Dans un monde tragique : parole ou silence ?

par Bernard de Castéra

Il y a des moments où notre monde nous apparaît plus tragique. Ce n’est pas seulement l’effet des médias de l’immédiat, qui font leur beurre des tragédies. J’ai le sentiment que c’est réel : non seulement la situation internationale se dégrade en des conflits mettant en cause les unes après les autres toutes les grandes puissances et, les uns après les autres, de nombreux « petits » pays, mais en France, les pratiques de violences quotidiennes se multiplient, dans l’impuissance des pouvoirs publics. Certes, il y a une part de violences qu’il leur est possible d’endiguer, mais la racine du mal est si profonde, si ancienne, il faudrait un tel renouveau des mentalités, un tel retournement des cœurs, une telle conversion des esprits, qu’il n’appartient qu’à Dieu de nous les donner. Mais Dieu, nous l’avons chassé. Nous vivons comme si Dieu était mort.

Le tragique atteint les élèves de plein fouet : harcèlement scolaire, épidémie de pornographie, addiction aux écrans, disparition des repères anthropologiques, effacement de la culture, déconstruction nihiliste de tout ce qui a structuré depuis toujours la transmission éducative. Et il y a beaucoup de choses dont on n’ose pas parler. Il y a beaucoup de sujets tabous. Il y a beaucoup de souffrances muettes. Le démon muet rôde… accompagné, d’ailleurs des démons bruyants qui glapissent et hurlent, provoquant l’affolement et l’entretenant ! Les silences lourds, les silences de terreur, les silences coupables, les silences de honte sont l’écho paradoxal des paroles de condamnation, des paroles accusatrices, des paroles qui se complaisent à exhumer toujours de nouveaux scandales, réels ou probables.

Alors, dans cet océan de tragédies publiques et privées, tout-à-fait publiques et extrêmement privées, n’y a-t-il pas d’issue ? N’y a-t-il pas un chemin de renouveau, de retournement, de conversion ? Puisque l’espérance ne saurait être dans ce déluge de paroles stériles ni dans ces silences faussement protecteurs, pourquoi ne chercherions-nous pas à avoir accès à une nouvelle qualité de parole et de silence ? Qualité qui ne viendrait pas des hommes, mais qui, cette fois, viendrait de Dieu.

La Parole de Vérité, le Verbe de Dieu, est depuis toujours auprès de Dieu, tourné vers Dieu. Il est Dieu. Son mystère est si grand que nous l’appelons à la fois Parole et Silence. Nous le rejoignons par la médiation de sa Parole et par l’union à son Silence. Nous ne pouvons pas recevoir sa Parole sans entrer longuement – oui, longuement – dans le Silence où il habite. Au début de son évangile (1, 35-39), Jean nous raconte sa première rencontre avec le Christ, sur le bord du Jourdain où se pratiquait un baptême de conversion. Avec Jacques, il se met à suivre Jésus qui se retourne et leur demande : « Que cherchez-vous ? » A quoi ils répondent : « Maître, où demeures-tu ? ». Il leur dit alors : « Venez et voyez » L’évangéliste dit : « Ils allèrent donc et ils restèrent auprès de lui ce jour-là » (1, 39) De quoi ont-ils parlé ? Que se sont-ils dit ? Ce que Jean a retenu, c’est qu’ils sont demeurés auprès de Jésus ce jour-là. Les paroles se sont estompées, ce qui demeure, c’est la présence. C’est en relisant la Parole de Dieu que nous découvrons le silence habité par le Maître.

C’est aussi auprès de Jésus que nous apprenons à être maîtres : en habitant le silence qui est le sien – « en sa présence, tout au long de nos jours », selon le cantique de Zacharie -, nous nourrissons une parole qui vient de lui.

Et pour ceux à qui la grammaire fait comprendre bien des choses, pesant la différence entre le singulier et le pluriel, ils verront de quels abîmes sont séparées les paroles et la parole, les silences et le silence. Le singulier de l’article défini n’exprime pas ici qu’une unité de nombre, mais plus que cela, une rareté, une excellence, une singularité de nature.

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