Cyprien et Daphrose Rugamba – Prier jusqu’au martyre

Après des années de vie conjugale difficiles, les Rugamba s’engagent ensemble dans une vie chrétienne intense. La prière devient le centre de leur existence.

Par JEAN-LUC MOENS

IEV n357 famille Rugamba
IEV n357 Rugamba adoration

Le 7 avril 1994, Cyprien et Daphrose Rugamba ainsi que leurs enfants Serge, Émérita, Dacy, Cyrdy, Cyrdina, Ginie et la petite cousine Gabriella, ont été assassinés par la garde du président Habiyarimana. Lorsque les soldats sont arrivés devant leur propriété, ils ont crié : « Alors, Cyprien, tu es toujours chrétien ? » Par cette question, ils signifiaient clairement la raison de l’assassinat de toute cette famille : Cyprien, par sa foi, était un obstacle, un reproche vivant qu’il fallait éliminer pour se livrer aux horreurs du génocide qui allait suivre.

Qui était cette famille ?

Cyprien est né en 1932 dans le sud du Rwanda. Très intelligent, il fait ses études secondaires au petit séminaire, puis il continue au grand séminaire. C’est là qu’il perd la foi à la lecture des philosophes existentialistes. Il entame alors des études d’histoire. Après différentes péripéties, il épouse en 1965 Daphrose Mukansanga, née en 1944. Les débuts sont difficiles et ce n’est qu’après 18 ans de mariage que leur amour de couple atteint sa plénitude grâce à une intervention divine qui amène Cyprien à la conversion.

Que s’est-il passé ?

Dans le jeune Rwanda indépendant, Cyprien est rapidement devenu un personnage important. Il est directeur de l’Institut national de recherche scientifique (INRS) à partir de 1974. Il compose des poèmes et les met en musique. Ses chants rencontrent un énorme succès et il devient célèbre dans tout le pays. C’est un homme intègre qui met en valeur la beauté de la culture rwandaise. Entre 1980 et 1982, il tombe malade. C’est une maladie mystérieuse : perte d’équilibre, acouphènes, maux de tête, troubles de la vue… Les médecins ne trouvent rien. Daphrose se dévoue avec beaucoup d’amour pour son mari dont le cœur est touché par tant de délicatesse. Elle continue aussi à prier pour sa conversion, d’autant plus que, pendant cette maladie, elle découvre le Renouveau charismatique et reçoit l’effusion de l’Esprit. Finalement, les autorités du pays décident d’envoyer Cyprien se faire soigner en Belgique. Dans l’avion, il reçoit en même temps la conversion et la guérison ! Cela se passe à travers un nouveau chant qui monte en lui et qui parle du ciel : « Ce ciel blanc, blanc comme l’oiseau blanc, où m’attend le Roi. Si jamais je viens à être appelé, de grâce, ne vous affligez pas. Je répondrai à l’appel tout joyeux et j’entrerai au ciel en dansant. »

De retour au Rwanda, Cyprien et Daphrose s’engagent à fond dans une vie chrétienne commune. Leur amour, leur complicité, la tendresse qui les unit impressionnent tous ceux qui les rencontrent. À partir de ce moment, la prière devient le centre de leur vie, le lieu où ils font l’expérience de l’amour de Dieu pour eux. Cyprien fonde un groupe de prière charismatique à l’INRS. Ce groupe grandit tellement qu’il doit émigrer dans un lieu plus grand. Les Rugamba sont passionnés par la louange. Cyprien se met à composer des chants religieux à la gloire de Dieu. Il s’exclame souvent : « Jésus est merveilleux ! » Bientôt, ils proposent à toute la famille d’avoir des temps de louange. Ils y seront fidèles jusqu’à la fin.

Quand, en 1989, Cyprien tombe en disgrâce et perd son travail, la famille se déplace à Kigali. Immédiatement, ils s’engagent dans le groupe de prière du Cœur miséricordieux de Jésus dont Daphrose devient responsable. Cyprien reçoit une parole intérieure : « Je ferai par toi œuvre de rédemption. » Cette parole trouve probablement son accomplissement quand, en 1990, Cyprien et Daphrose débutent la Communauté de l’Emmanuel au Rwanda. Ils approfondissent alors une double grâce qu’ils vivaient déjà à Butare : l’adoration eucharistique et la messe quotidienne. Ils se lèvent tôt tous les jours pour participer à l’eucharistie. Ils vont dans la chapelle des sœurs de l’Assomption, proche de leur domicile, pour adorer longuement. En 1993, ils reçoivent la grâce d’accueillir la présence réelle de Jésus dans leur maison, évidemment avec la permission de l’évêque. La chapelle devient alors le centre de leur foyer. Aux nombreux visiteurs qui viennent chez eux, ils proposent : « Allons d’abord saluer le maître de maison… » et les voilà dans la chapelle. Si quelqu’un demande un conseil, il obtient une réponse analogue : « Allons d’abord demander l’avis de Jésus. »

Les enfants aussi prient à la chapelle, du plus petit jusqu’au plus grand. Un jour, Serge demande à son père des extenseurs pour faire ses muscles. Cyprien lui explique qu’il n’a pas l’argent pour faire cet achat. Serge emprunte alors des extenseurs à un ami et s’en va les déposer devant le tabernacle de la chapelle. Il passe du temps à expliquer son désir à Jésus. Peu de temps après, Cyprien découvre un billet de 5 000 FrRw oublié dans un livre. Jésus a répondu à la prière de Serge. Il reçoit ses extenseurs ! Mais cela n’est pas toujours comme cela. Un autre fils, Dacy, a lui aussi le désir de recevoir quelque chose. Il annonce à sa maman qu’il va aller le demander à Jésus. À la sortie, Daphrose lui demande la réponse du Seigneur. « Il a dit non », répond simplement et paisiblement Dacy ! La prière, en particulier l’adoration, devient pour Cyprien et Daphrose le lieu où ils puisent la confiance en Dieu dans un Rwanda en guerre depuis 1990. Cyprien l’explique dans l’enseignement qu’il a donné avec Daphrose à Paray-le-Monial seulement 7 mois avant leur mort. « Il y a aussi des facteurs favorables à la confiance, affirme-t-il. Le premier c’est la prière, personnelle et collective. Enfants d’un père d’amour, plein de tendresse pour nous, sachons nous adresser à lui. » Il continue en parlant des fruits de la confiance : « Le premier de ces fruits, c’est la paix et la sécurité, la grande sécurité qui dépasse de loin les petites sécurités que nous plaçons dans les moyens humains et matériels. La grande sécurité qu’est Jésus. Et, en éliminant la peur et l’anxiété, elle donne force et courage. »

Cette parole éclaire les derniers moments de leur vie. En effet, quand le soir du 6 avril 1994, l’avion du président Habiyarimana est abattu, toute la famille Rugamba se réfugie dans la prière. Les enfants et les parents passent un long moment à la chapelle. Une fois les enfants couchés, les parents y retournent et passent toute la nuit en adoration. C’est dans la chapelle que les tueurs vont les trouver en adoration. Cyprien, Daphrose et les enfants morts avec eux ont prié jusqu’au don total de leur vie. Ils sont entrés ensemble au ciel en dansant…

MÉDITATION

Il faut avancer dans la confiance au Seigneur. Quand on roule la nuit, on ne voit pas tout le trajet que l’on va faire mais les phares éclairent progressivement une courte distance jusqu’au bout du voyage. Pour notre vie, c’est pareil : il faut vivre au jour le jour, sans s’inquiéter de ce qui est devant, vivant le présent avec la lumière que Dieu nous donne et avancer petit à petit.

Tout devient prière lorsque nous recherchons partout la volonté du Seigneur, le visage de Jésus. Alors, tout est don et, comme dit saint Paul, tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu. Rappelez-vous que Paul et Pierre en prison louaient Dieu. Le messager du Seigneur les a trouvés en prière. Dans cette épreuve, ils louaient le Seigneur, c’était pour eux une occasion de louer Dieu.

CYPRIEN RUGAMBA

En dates

1932 – Naissance de Cyprien
1944 – Naissance de Daphrose
1965 – Mariage de Cyprien et Daphrose
1989 – Arrivée à Kigali et voyage à Paray-le-Monial
1990 – Début de l’Emmanuel au Rwanda
1993 – Installation du Saint Sacrement dans leur maison
7 avril 1994 – Assassinat de la famille.

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