Les saints qui nous ont précédés peuvent devenir des guides expérimentés et fraternels pour notre propre vie de prière.
Par JEAN-LUC MOENS
Quand on escalade une montagne, on est content de suivre une piste qui a été ouverte et balisée par un alpiniste expérimenté. Pour atteindre un sommet, il peut y avoir plusieurs pistes selon les capacités ou les préférences du grimpeur. Les apprentis choisissent aussi leur professeur en fonction de leurs affinités. Tel guide conviendra bien à tel type de caractère, et tel autre non. Il en est de même avec les saints. Ce sont ces guides expérimentés qui ont gravi la montagne de la prière et de l’union à Dieu et qui nous en indiquent ensuite le chemin. Nous pouvons les suivre en fonction de nos affinités, de nos tempéraments et aussi de l’attractivité qu’ils exercent sur nous. J’ai, pour ma part, l’intime conviction que nous ne choisissons pas les saints qui nous guident, ce sont eux qui nous choisissent ! Il me semble qu’il y a trois façons de prendre les saints comme guides dans notre prière, en fonction de l’appel spécifique qu’ils ont reçu de Dieu.
De grandes écoles de prière
Premièrement, certains d’entre eux ont de manière très consciente reçu un appel de Dieu à devenir des maîtres de prière. C’est sans aucun doute le cas d’Ignace de Loyola qui a conçu ses Exercices spirituels lors d’une longue retraite à Manresa de mars 1522 à février 1523. Il a mis en forme son expérience personnelle pour qu’elle devienne une véritable école de prière et de discernement. C’est le discernement qui est d’une certaine manière sa marque de fabrique. Pendant toute sa vie, Ignace a utilisé les Exercices spirituels comme moyen d’évangélisation et de recrutement dans la Compagnie de Jésus. Ils font maintenant partie du patrimoine de l’Église universelle et aident beaucoup de chrétiens à progresser dans l’art de la prière.
Il y a une seconde grande école de prière ou d’oraison, liée à l’expérience carmélitaine, dans le sillage de sainte Thérèse d’Avila et saint Jean de la Croix. Elle compte d’autres représentants illustres comme Thérèse de Lisieux, Élisabeth de la Trinité ou le père Marie-Eugène de l’Enfant Jésus. Ici, la marque de fabrique est plutôt l’union à Dieu qui est réellement présent dans notre château intérieur, dans le ciel de notre âme.
Les pépites des saints
Les saints nous aident également sur le chemin de la prière à travers les confidences qu’ils ont pu faire sur leur propre prière. Il ne s’agit pas ici à proprement parler d’une école de prière mais plutôt de petites pépites qui nous sont données et qui peuvent nous éclairer et nous encourager dans notre progression spirituelle. Personnellement, ce ne sont pas les récits de leurs extases qui m’aident, mais plutôt celui de leurs combats, en particulier contre les distractions, l’aridité, la sécheresse.
Lorsque Mère Teresa se confie en disant que dans sa prière, elle appelle, elle s’accroche, elle désire mais qu’il n’y a personne pour lui répondre, nous comprenons qu’il est normal pour nous aussi de traverser la nuit de la foi dans l’oraison. Chez Mère Teresa, elle a duré plus de 50 ans ! Mais on ne peut pas séparer le cri de détresse de la sainte de Calcutta de son cri de foi : « Je ne fais que regarder Jésus souffrant et je répète : laisse-moi prendre part à ta douleur ! Si cette douleur et cette souffrance… ne te donnent qu’une seule goutte de consolation, mon Jésus, fais de moi ce qu’il te plaira. »
Il est en de même lorsque Thérèse de Lisieux explique comment elle vit l’épreuve de s’endormir dans sa prière et l’acte de foi qu’elle pose à ce moment-là : « Eh bien, je ne me désole pas… je pense que les petits enfants plaisent autant à leurs parents lorsqu’ils dorment que lorsqu’ils sont éveillés, je pense que pour faire des opérations, les médecins endorment leurs malades. »
Les prières des saints
Les saints nous aident à prier, enfin, en nous faisant entrer dans leur propre prière. Saint Simon Stock nous a donné la version aboutie du Je vous salue Marie, saint Bernard nous a offert le Souvenez-vous, saint Dominique nous a partagé la joie de prier le chapelet, saint Ignace a composé la prière Âme du Christ, saint Louis-Marie Grignion de Montfort nous a conduit dans sa magnifique consécration à Jésus par Marie, sainte Élisabeth de la Trinité dans sa prière Ô mon Dieu, Trinité que j’adore… On pourrait multiplier les exemples quasiment à l’infini. Nous pouvons aujourd’hui encore entrer dans la communion des saints en priant avec leurs mots. Quelle grâce !
Il y a cependant une grâce encore plus insigne. Nous pouvons entrer dans la prière du saint des saints, celle de Jésus lui-même : le Notre Père. C’est la prière par excellence par laquelle Jésus nous donne d’entrer dans l’intimité de sa relation d’amour avec son Père. C’est ici que nous comprenons le mieux comment la prière des saints peut nous aider.