Chronique de la semaine : vive les ados !

Chronique
Par Anne-Sophie

La chronique de la semaine

Les copines de square m’avaient pourtant bien prévenue… Le cap des deux ans, le fameux terrible two ? Aussitôt suivi de la crise des trois ans, le threenager ? Ce n’était qu’un entraînement pour ce qui allait arriver quelques années plus tard. Le choc, la déflagration… la GUERRE. Bref, l’adolescence, quoi.

En bonne élève de la classe des Mamans, j’ai donc profité des jeunes années en me répétant, comme un mantra, ces quelques mots : « mais qu’il est mignon ! » Toutes les occasions étaient bonnes à prendre : un mot enfantin charmant ? Une grimace au moment de prendre une photo ? Les babines tartinées de chocolat à la fin d’un goûter ? Mais qu’il est mignon ! Et, en bonne élève de la classe des Mamans, je relativisais les colères, les caprices, les bouderies. Je me raccrochais aux paroles rassurantes des copines de square : « tu verras, ce n’est RIEN, comparé à l’adolescence ! »

L’âge de raison arriva et avec lui les multiples questions : les pourquoi à longueur de journée, les interrogations sur le sens du cosmos et la vitesse de pointe du papillon (véridique). Il me fallut rouvrir quelques encyclopédies stockées en haut des étagères depuis ma dernière année d’études. Mais, en bonne élève de la classe des Mamans, je mettais toutes les chances de mon côté. Certes, mon chérubin n’apprenait pas le chinois en CE1 mais il ne serait pas dit que je n’aurais pas cultivé son intelligence. Le petit ange fut donc traîné d’expositions en musées et de châteaux en cathédrales. J’avais intégré le fait que je devais passer outre son manque d’intérêt apparent. Les copines de square me le répétaient : « Derrière sa façade ennuyée, il t’écoute et il est es-sen-tiel que tu fasses travailler ses neurones et sa mémoire avant l’âge fatidique de 8 ans”. Alors, en bonne élève de la classe des Mamans, j’abreuvais son jeune esprit de détails sur la Fronde et la révocation de l’Édit de Nantes, sur le gothique flamboyant et les primitifs flamands. Tous mes efforts convergeaient vers un seul but, le Graal ultime : profiter du calme avant la tempête, savourer de précieux instants avant l’ouverture des hostilités.

Mais j’avais dû rater un cours à l’école des Mamans. Je ne savais pas dire quand se produirait l’attentat de Sarajevo familial, l’attaque de Pearl Harbor dans notre foyer, le début de… Je n’osais le dire. Vous comprenez, non ? J’en avais des sueurs froides.

Aujourd’hui, je vous écris, perplexe. Je crois que nous en sommes en guerre. Mais c’est décidément une drôle de guerre.

En bonne élève de la classe des Mamans, je dois avouer que je ne raffole pas du fait que je ne peux plus le coincer sous mon bras pour l’emmener, façon sac de farine, à la messe lorsqu’il rechigne à y aller… Mais quand je le vois partir pour le lycée, si grand, avec ses pieds de la taille d’une barque amazonienne et ses bras qui balayent le sol, je vois l’homme qu’il est en train de devenir et mon cœur se gonfle de fierté.

En bonne élève de la classe des Mamans, j’aimerais qu’il se tienne droit et porte, au quotidien, chino et chemise à col et non ses baskets (immondes) et ses sweats à capuches (à inscriptions indéchiffrables). Mais quand je le vois chahuter avec son frère et s’occuper avec attention de ses petites cousines, je vois l’homme qu’il est en train de devenir et mon cœur se gonfle de fierté.

En bonne élève de la classe des Mamans, j’aurais adoré qu’il lise Heidegger et Kant dans le texte et en discute avec moi à longueur de soirée, au lieu d’être plongé dans ses mangas et les stories Instagram de ses potes. Mais quand, au cours d’un dîner, il se met à me parler du dernier reportage visionné sur YouTube ou d’un article qu’il a lu en ligne et que ses yeux se mettent à briller, je vois l’homme qu’il est en train de devenir et mon cœur se gonfle de fierté.

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