Ce jour-là, Laure a vraiment été inspirée !

Carine travaille depuis 15 ans auprès de personnes porteuses d'un handicap. Une histoire, parmi tant d'autres, l'a bouleversée. Elle témoigne pour nous aujourd'hui.

Cela fait 15 ans que j’ai la joie et la chance de travailler auprès de personnes porteuses d’un handicap mental, en tant que psychologue clinicienne en libéral, mais aussi au sein d’un atelier d’artisanat où se réunissent une quinzaine de jeunes adultes, pour la plupart porteurs de trisomie 21.

Parmi les nombreuses histoires que j’ai pu vivre auprès d’eux, en voici une qui m’a particulièrement touchée.
Il y a quelques années, j’ai été mise en lien avec de jeunes parents qui venaient d’avoir une petite fille trisomique. Son handicap leur a été annoncé à la naissance et un tsunami venait de s’abattre sur eux. Ils étaient très angoissés et complètement perdus.
Ils ont fait le choix de confier leur bébé en pouponnière pour décider, avec discernement et recul ce qui était le mieux pour eux : la confier à l’adoption ou l’accueillir dans leur foyer.

Après avoir reçu beaucoup de témoignages de jeunes parents d’enfants porteurs de trisomie, ils avaient besoin de parler du handicap à l’âge adulte et nous avons été mis en lien. A l’issue du long appel téléphonique que nous avons eu ensemble, la maman a insisté pour rencontrer des jeunes adultes trisomiques, elle avait besoin de se projeter pour que sa décision mûrisse.

Le rendez-vous était donc pris. J’ai confié cette rencontre à l’Esprit Saint en lui demandant de m’éclairer : à quel jeune devais-je demander de venir avec moi ? Je ne pouvais évidemment pas leur faire rencontrer 15 personnes à la fois. Finalement, comme une évidence, j’ai demandé à deux jeunes femmes trisomiques, très amies, et aux caractères très différents aussi d’être présentes. L’une (Anne) assez intériorisée et calme, l’autre (Laure) plus bavarde et plus exubérante. Je leur avais juste dit que j’avais eu au téléphone des parents qui venaient d’avoir un petit bébé trisomique et qu’ils seraient contents de les rencontrer. Le handicap leur était inconnu et ils avaient besoin de les connaître pour être rassurés. Evidemment, je ne leur ai pas parlé d’abandon éventuel du bébé. Ç’aurait été trop violent pour ces jeunes qui ne pouvaient que se projeter.
Mais elles ont pris cette rencontre très au sérieux et ont perçu, sans que je ne leur formule clairement, que l’enjeu était important et que leur rôle était essentiel. Leur maturité m’a touchée.

Vous savez, quand je suis née, mes parents ils ont dit : « quoi, elle est trisomique ? » Ils ont beaucoup pleuré. Et puis, ils m’ont appris plein de choses, je suis allée à l’école, j’ai grandi, et maintenant je suis heureuse, c’est grâce à mes parents.

Les parents sont arrivés tendus et inquiets. Mais devant la spontanéité et l’humour des filles, les masques sont rapidement tombés et autour d’un café nous avons pu parler avec légèreté de leur quotidien. Ils avaient l’air à l’aise et heureux de cette rencontre, pourtant cruciale dans un moment si grave pour eux.

Puis la maman s’est adressée à moi et m’a confiée ses doutes : « Comment puis-je savoir si je serai une bonne mère ? »

Laure s’est alors levée, est allée s’asseoir à côté d’elle, et avec beaucoup de calme et de profondeur, l’a prise dans ses bras. Puis elle s’est gratté la gorge et d’une voix claire, d’une parole fluide (elle qui d’habitude a tendance à bégayer) leur a dit avec un calme et une grande profondeur :

« Toi, Sophie, tu es déjà une bonne mère. Et toi, Martin, tu es déjà un bon père. Votre bébé, c’est Dieu qui l’a créée, et Il l’aime. »

En s’adressant à la maman : « Si elle est trisomique, ce n’est pas de ta faute. »

Puis marquant un temps de pause, elle a ajouté : « Vous savez, quand je suis née, mes parents ils ont dit : « quoi, elle est trisomique ? » Ils ont beaucoup pleuré. Et puis, ils m’ont appris plein de choses, je suis allée à l’école, j’ai grandi, et maintenant je suis heureuse, c’est grâce à mes parents »

La maman était en larmes, nous étions tous très émus.  Laure avait tout dit. Elle les a rejoints dans leurs blessures et leur angoisse avec ses mots et ses gestes d’une grande tendresse, en les appelant chacun par leur prénom. Elle leur a parlé de cette culpabilité qui les minait, elle les a rassurés.  L’Esprit Saint était présent, il agissait en elle, lui soufflait les mots de consolation dont ils avaient tant besoin.

Quelques jours plus tard, nous avons eu la grande joie d’apprendre que ces jeunes parents étaient allés rechercher leur petite fille à la pouponnière. Et que les mots de Laure leur avaient permis de prendre leur décision. Une décision assumée et éclairée.

Aujourd’hui, cette petite fille a 7 ans, elle va à l’école avec une AESH, est en pleine forme, et ses parents sont prêts à déplacer des montagnes pour elle.

Quant à Laure, le soir même, je l’appelais pour la remercier et lui dire combien elle avait fait mon admiration. Et j’ai été bien surprise et attendrie devant sa réponse : elle m’a demandé, tout en bégayant à nouveau, que je lui donne un diplôme pour la féliciter. Je la reconnaissais bien là !

Je rends grâce à Dieu pour la portée de ses paroles et ses gestes, si beaux et si féconds. Le Seigneur est grand… et les personnes porteuses de handicap pleines de richesses insoupçonnées !

Recommandez cet article à un ami

sur Facebook
par Whatsapp
par mail