Le buisson ardent de la vérité divine – Bernard de Castéra

Nos élèves ont besoin, tout comme nous, d’être structurés dans la recherche de la vérité. Quel chemin leur ouvrir pour sortir du relativisme déstructurant ?

Ils ont besoin d’autre chose que d’une idéologie. Ils ont besoin d’une vérité sur laquelle ils puissent fonder leur vie, une vérité fondatrice. Une vérité qui touche leur cœur.

Ils ont besoin d’une vérité incarnée, qui les réconcilie avec leur corps. Qui soit chemin d’unification de leur être intérieur et personnel.

Ils ont besoin d’une vérité universelle, qui ne nie pas la nature. Qui soit principe d’unité entre l’homme et la terre.

Cette Vérité dont ils ont soif, nous la connaissons. Elle nous a été révélée, à nous qui avons reçu la Foi dans le Christ. Qu’en avons-nous donc fait ? Tandis que des multitudes de jeunes sont là à mourir de soif, errant à travers le désert des fausses pistes sur des chemins qui ne mènent nulle part, nous voici comme pétrifiés par un démon muet ! Savons-nous, ne serait-ce que pour nous-mêmes, nous abreuver à la Source ? Empruntons-nous assez souvent le chemin qui conduit au Rocher d’où jaillit l’eau de la vie ?

C’est ce chemin que nous nous nous efforçons de débroussailler, d’aplanir, d’élargir, depuis le n°13 de L’Aqueduc. Nous avons suivi la progression suivante :

N°13 (septembre 2021) : Notre chemin de vérité

N°14 (8 décembre 2021) : Le Maître de Vie et de Vérité

N°15 (19 mars 2022) : Etre vrai.

Quel est le sens de cette progression ? Pour aller à la vérité, nous nous appuyons sur les deux ailes de la raison et de la foi, suivant la belle expression de saint Jean-Paul II au début de son encyclique Fides et ratio (14 Septembre 1998) qui a vraiment fait date et marqué les esprits. La vérité ne nous est pas donnée d’emblée tout entière, nous la découvrons peu à peu en méditant par la raison et par la foi, et c’est pourquoi elle est Chemin. Elle ne se réduit pas non plus à un ensemble de discours, elle est véritablement la vie de l’intelligence. Chacun de nos chapitres invite le lecteur à  découvrir ou redécouvrir lentement ce lien intime entre la raison et la foi, et ceci, dans la contemplation du Christ, lui qui a dit : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ».

Aujourd’hui, nous sommes arrivés à une étape de réflexion qui nous donne de contempler la Vérité dans le mystère du Christ. Cela pourra sembler loin des préoccupations quotidiennes des enseignants, éducateurs et chefs d’établissement, mais en réalité, nous sommes au cœur de notre métier, à l’endroit où peuvent se dénouer les nœuds secrets qui étranglent notre fécondité. Oui, n’ayons pas peur de nous tourner vers Celui qui seul peut défaire les nœuds d’aujourd’hui. Notre Maître – le seul, l’unique  Maître ! – nous offre alors une contemplation si profonde, si intime, qu’elle ne peut que nous transformer comme le soleil du matin fait briller le givre, puis doucement le dégèle, réchauffe les plantes et leur donne de croître.

Comment cette transformation est-elle possible ? C’est tout simple, et c’est tellement vrai qu’il n’y a rien qui puisse davantage nous transformer de l’intérieur, que la contemplation – ou, si vous préférez, la rencontre du Dieu de vérité. Déjà, n’est-il pas vrai que chaque fois que nous goûtons quelque chose d’authentique, et plus encore chaque fois que nous rencontrons quelqu’un de profondément authentique, nous sommes touchés ? Quand une chose est authentique, nous disons qu’elle est vraie. En ce sens, le vrai, c’est le modèle, l’original. Quand un sculpteur fait une copie d’une statue antique, même si cette copie est réussie, pour un expert, il y a un abîme entre la copie et l’original, et pour lui, le vrai, c’est l’original.  Mais l’original lui-même, la statue antique censée représenter Zeus ou Apollon, si belle et magnifique qu’elle puisse être, n’est pas réellement Zeus ni Apollon. Nous-mêmes, ne sommes-nous pas faits à l’image de Dieu, comme le révèle la Genèse ? Si beau, si magnifique que soit l’être humain, il n’est que l’image, il n’est pas le modèle.

En revanche, il n’en va pas de même pour Jésus. Si le Christ est Vérité dans sa Personne, c’est que son Etre tout entier dit pleinement Dieu, son Etre tout entier est plénitude de la Parole du Père. Or, cette Parole n’est pas un discours linéaire comme ceux qui sont publiés dans les livres, même dans les livres sacrés. Ce n’est pas un ensemble de mots et de phrases.

Pour mieux comprendre comment le Verbe incarné « dit » Dieu, regardons comment le Créateur nous est révélé dans la création. L’univers tout entier « proclame la gloire de Dieu » (psaume 18), de sorte que « le jour au jour en livre le récit et la nuit à la nuit en donne connaissance ». Il ne suit pas la grammaire des mots et des langues humaines – « Pas de parole dans ce récit, pas de voix qui puisse s’entendre », et cependant « sur toute la terre en paraît le message ». Ni l’univers avec toutes ses magnificences, ni les paroles humaines consignées dans toutes les bibliothèques du monde, ni même les livres sacrés des plus profondes religions, rien de tout cela n’atteint à la plénitude et la simplicité d’expression qui pourrait être égale à Dieu. Dieu seul peut se dire parfaitement. Et s’il le fait, il ne retient rien de son Etre, il se donne sans ombre et sans retour, sans rien cacher ni retenir, il fait le don total de lui-même, Don qui est Vérité absolue : « Je suis dans le Père et le Père est en moi » (Jn 14, 11). Tel est le mystère du Verbe de Dieu, le mystère du Fils de Dieu. Nous l’appelons Verbe et nous l’appelons Fils, car il est tout ensemble Vérité et Vie.

Nous approchons un peu mieux le mystère de ce Dieu qui se fait notre nourriture en tant que Vérité. Car la vérité est un bien pour l’intelligence, elle est spécifiquement le bien de l’intelligence. Retenons bien ceci : la vérité est nourriture pour l’intelligence. Toute vie a besoin de nourriture. Or, notre intelligence est une manifestation de la vie de notre être, elle n’est pas froide lumière, car elle ne serait rien sans notre âme, c’est-à-dire sans le principe de vie qui est en nous. Elle ne serait pas lumière sans le feu qui, mystérieusement, nous fait vivre. Et de même que le corps a besoin de nourriture, de même, notre âme. Ainsi notre intelligence se nourrit-elle de vérité. Chaque fois que nous donnons à nos élèves non des produits frelatés, mais des pépites de vérité, nous transmettons de la vie à leur intelligence, à leur cœur, à leur âme.

Mais en quoi la Vérité est-elle un mystère d’Amour ? En Dieu, la Vérité et l’Amour ne font qu’un. De notre côté, nous visons à l’unité, mais celle-ci ne nous est pas donnée d’emblée. Nous avons à construire notre unité intérieure. Pour cela, nous disposons de l’intelligence, que nous appelons aussi la raison en tant qu’elle unit les concepts les uns aux autres pour effectuer des raisonnements. Nous disposons aussi de l’affectivité et de la volonté, deux facultés sur lesquelles nous devons nous arrêter pour bien comprendre ce qui se passe en l’homme. Certaines vérités n’ont aucune résonnance affective parce qu’elles n’impliquent pas les personnes, mais d’autres ont cette résonnance parce que nous sentons qu’en un sens, elles nous concernent. Il y a des vérités froides et d’autres qui sont feu !

Certes, nous avons encore beaucoup à découvrir sur la primauté de la vérité dans la transmission, beaucoup à développer notamment dans l’expérience et le partage de la vérité dans notre pratique professionnelle quotidienne, mais le chemin que nous avons parcouru jusqu’au Mystère du Christ, tout ensemble Vérité et Vie parce qu’il est Verbe et Fils, ce chemin demeure le pèlerinage essentiel et fondateur de l’initiation intérieure de qui est appelé à enseigner et éduquer.

Bernard de Castéra

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