Yves et Ligia Guézou ont un ton enthousiaste et un témoignage lumineux : celui du Seigneur qui les relève et les mène l’un vers l’autre par Lui. Ce témoignage, ils l’ont mis par écrit dans le livre Breizh Brazil, sorti avant le confinement. Ils répondent à nos questions.
Qu’est-ce qui vous a motivés à écrire ce livre-témoignage sur votre conversion ?
Yves : Nous avons eu plusieurs occasions de témoigner, à Paray-le-Monial et à Sainte-Anne-d’Auray notamment. A chaque fois les gens étaient très touchés et nous disaient qu’il fallait écrire un livre. Cette demande nous a longtemps travaillés. Lorsque nous avons raconté notre témoignage à l’éditeur des éditions du Sacré Cœur, il nous a immédiatement dit : « Allez, je vous édite ! », ce qui nous a forcés à nous jeter à l’eau. C’était un petit clin d’œil de la Providence qu’il s’appelle Sacré-Cœur, parce que c’est vraiment le cœur de notre livre, on a vraiment un appel à témoigner, évangéliser autour du cœur de Jésus.
Breizh, Brasil ! est aussi une action de grâces pour tout ce que le Seigneur fait dans nos 2 vies. On revient de très loin, on a eu tous les 2 des passages très difficiles avant de se convertir. A ces moment-là, on aurait aimé que des témoins viennent nous parler de ce qu’on a découvert après. En voyant aujourd’hui tant de gens qui souffrent et qui cherchent, mais pour qui Dieu est une conception intellectuelle ou un être lointain, nous nous sommes sentis missionnés de parler de cette présence du Christ dans nos vies. Ne pas partager la source que nous avons trouvée, ce serait « non-assistance à personnes en danger ». C’est devenu une évidence qu’il fallait absolument écrire ce livre.
Dieu vous a-t-il sauvés au travers de votre couple ?
Ligia : Le Seigneur nous a sauvés en nous montrant son amour inconditionnel. Il a pris l’initiative, dans mon cas, en m’attirant petit à petit, par la découverte de cette belle liturgie à Saint Gervais ou je suis allée la première fois, invitée par quelqu’un. Ça a été le départ de mon chemin. Cette liturgie m’a profondément touchée, j’y sentais quelque chose de surnaturel. Si, d’un côté, j’étais un peu enfermée en moi-même, n’arrivant pas à laisser Dieu entrer dans mon cœur, de l’autre, j’étais happée par cette liturgie et par l’aspect intellectuel des enseignements, et j’y allais le plus souvent que je pouvais. Au fur et à mesure, je suis devenue capable de recevoir aussi toute la richesse spirituelle de cette liturgie.
Yves : Notre rencontre est arrivée rapidement après un temps de résurrection pour l’un et pour l’autre. Avant de rencontrer Ligia, j’avais vécu une descente aux enfers, je me croyais incapable d’aimer, de m’engager, et je ne croyais plus du tout dans l’amour des autres. J’étais entré dans une sorte d’agoraphobie assez violente, ou les autres étaient des ennemis. Puis, j’ai découvert la puissance d’amour de Dieu, je l’ai ressentie. J’étais prêt à devenir prêtre ou moine, à donner ma vie pour ce Dieu que je venais de rencontrer. C’est à ce moment que la rencontre avec Ligia a clairement éclairé mon appel et ma vocation, et le mariage est devenu une grande évidence.
La vie au Brésil a aussi contribué à cette guérison. En couple, nous sommes partis en mission avec Points Cœur peu après notre mariage. J’ai rencontré un peuple particulier, au regard bienveillant et qui fonctionne essentiellement avec le cœur, là où nous européens, nous fonctionnons beaucoup intellectuellement. Avec les brésiliens, les relations sont d’emblée simples et bienveillantes, c’est d’une légèreté extraordinaire.
Après avoir rencontré l’amour de Dieu, nous avons découvert l’amour du prochain pour vivre ensemble ces 2 dimensions : « Tu aimeras le Seigneur de tout ton amour, de toutes tes forces de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même ». S’il n’y avait pas eu cette rencontre avec Dieu et avec Ligia, j’étais très mal barré pour vivre ces 2 dimensions. Par Points-Cœur on a pu découvrir cette importance du cœur, de l’amour et tout passe par là : « vous serez jugés sur l’amour ». Vraiment, ce chemin n’était pas anodin. Il était sur mesure !
Qu’est-ce que votre couple a changé dans votre relation à Dieu ?
Yves : Notre rencontre, avec Ligia, prouvait la proximité de Dieu qui peut intervenir dans la vie d’un individu. Je lui avais posé un ultimatum au moment où je pensais qu’il n’y avait plus que le suicide comme solution pour m’en sortit. Avec Ligia, j’ai pu découvrir comme Dieu est proche, et comment, petit à petit, il répond à nos prières au-delà de ce qu’on peut imaginer. Non seulement il les précède, mais il va au-delà de ce qu’on aurait pu demander. Quand on s’est mariés, on a refait ensemble cette démarche qu’on avait faite chacun de notre côté de dire au Seigneur : « J’ai bien merdouillé jusqu’à présent, maintenant c’est toi qui va tenir les rênes de notre vie ». On a vu très vite comment le Seigneur nous conduisait. Plus on lui donnait, plus lui nous donnait en retour, avec des signes extraordinaires. Il nous a conduits chaque fois qu’on avait des décisions importantes à prendre, et on l’impliquait de plus en plus dans nos décisions.
Ligia : Oui, on a appris à connaître un Dieu providence, qui, à partir du moment où on fait appel à lui et qu’on le sollicite avec foi, répond à chaque fois. Ça nous a fait énormément grandir, notamment durant la période de discernement pour partir en mission. J’ai découvert qu’à partir du moment où on se livre au Seigneur avec la foi qu’il est capable, qu’il va répondre, et surtout, qu’il répond à beaucoup de monde. Il nous a ouvert les yeux. Il faut lui demander d’ouvrir les yeux de notre cœur et de notre esprit pour voir son action dans notre vie à chaque instant. Ça a été extraordinaire de voir l’action de Dieu dans la vie de ces enfants, qui avaient un cœur complètement fermé, en souffrance, blessé, qui ne croyaient plus du tout à l’amour. De vrais miracles ! Nous aussi nous avons a été fortifiés, le Seigneur nous a labourés comme une terre, pour être son instrument. A partir de là notre sensibilité aux tous petits, aux souffrants, à celui qui est délaissé pour la société a été décuplée. A notre retour, dans notre vie au quotidien, on voit la providence, la main de Dieu partout, et chaque jour.
Yves : On a découvert la puissance de la prière d’intercession et comment le seigneur opère dans les cœurs autour de nous en profondeur et fait petit à petit des merveilles, des guérisons intérieures, des pardons qui paraissaient impossibles et qui entrainent des conséquences à la chaine dans toute une famille.
Après ces années de mission, le retour du Brésil a dû être compliqué…
Ligia : Heureusement qu’on est revenus avec le Seigneur ! Le cœur tout feu, tout flamme pour partager ce qu’on avait découvert du Seigneur.
Yves : En même temps c’est sûr qu’on était plus du tout les mêmes personnes qu’avant de partir. On se sent tellement habités par le Christ, il y a une joie qui nous habite et qui nous donne cette audace de bousculer les gens.
Partir de Points-Cœur était un arrachement. Comme on n’avait pas d’enfants et qu’on vivait des choses très fortes là-bas, on pensait vivre définitivement sur place. On était un couple très disponible à tous ces enfants des rues, on avait l’impression d’être la famille ouverte pour les enfants des rues, on se disait que si jamais on adoptait se replierait sur nous-mêmes, perdant notre ouverture et notre disponibilité. Ce n’était pas le plan du Seigneur. Au moment ou on allait se réengager définitivement, il nous amis un petit bébé dans les bras qu’on a adopté. C’était notre nouvelle mission : ayant des problèmes de santé, il avait besoin de soins. Il fallait rentrer avec lui en Europe, et reprendre une vraie vie. Ce rythme de prière qu’on avait là-bas – la liturgie des heures, l’adoration quotidienne, le chapelet – nous a cruellement manqué. Il m’a fallu dix ans pour atterrir vraiment, pour revenir les pieds sur terre, ici. Ce retour était dur, mais malgré tout, la présence de Dieu nous habitait !
Comment en êtes-vous arrivés à la communauté de l’Emmanuel ?
Ligia : En Bretagne, on avait du mal à retrouver la vie de prière assidue qu’on avait vécue au Brésil. On y avait bien gouté le côté contemplatif, et ça nous a mis sur la « mauvaise piste » de la vie dans une communauté contemplative un peu coupée du monde. Mais le Seigneur a ouvert nos yeux et on a compris que ce qu’on cherchait était à notre portée. Il nous a dit à plusieurs reprises qu’il nous voyait dans le monde, c’était évident que la communauté qui nous correspondait c’était la Communauté de l’Emmanuel. A partir du moment où on a compris ça, la Communauté de l’Emmanuel a pris tout son sens. On y a trouvé le côté contemplatif et la prière d’oraison, mais aussi les chants qui nous portent de façon magnifique. Pour Yves, comme musicien, ça a été merveilleux, pour moi aussi, c’est vraiment une musique qui est une prière. Cette vie fraternelle aussi. On reste toujours un peu dans notre soif, parce qu’on se voit très peu entre frères et sœurs, et c’est tellement riche et tellement beau quand on est ensemble que c’est beau d’avoir cette soif toujours de se retrouver.
Yves : Après ma conversion mon métier de dessinateur humoriste ne voulait plus dire grand-chose pour moi. C’est grâce à une commande des Béatitudes pour illustrer En-Quête sur Jésus-Christ que j’ai dû me jeter à l’eau et enfin aborder des thèmes spirituels, liés à ma foi. Et trouver l’angle d’approche qui me permettrait de faire de l’humour sans dénaturer ni perdre le piment qui caractérise mes dessins
La Communauté de l’Emmanuel est venue ensuite renforcer et enrichir cette démarche. Il y eu bien sûr et surtout cette chronique de Juliette Levivier pendant 10 ans dans Famille Chrétienne qui m’a vraiment permis de développer tout mon talent, de dessinateur et d’humoriste et d’affiner l’expression de ma foi.
Je n’avais plus envie de faire de l’humour juste pour rire, je voulais que mon dessin prenne un sens et soit au service de l’évangélisation, mais je voyais pas trop comment le faire. Le monde ne me disait rien et je n’avais pas envie de m’y replonger. On a alors découvert que ce maitre mot de l’appel de l’Emmanuel : « être dans le monde sans être du monde ». On a pu discerner ce qui nous importait : l’adoration, l’évangélisation et puis la vie fraternelle. Ces 3 dimensions nous étaient cruciales. Et les enseignements, les points de repère dans la vie spirituelle nous empêchaient de stagner. Les partages de maisonnée nous ont aidé à ne pas rester dans notre coin, et à prendre des engagements chaque semaine. Les maisonnées, les partages de maisonnée, on a trouvé ça d’une grande richesse.
Ce chemin nous a permis de nous former et d’enrichir ma vie artistique, mon dessin, alors que je voulais fuir ce métier. Mon dessin a commencé à prendre un sens, enrichi par cette vie de prière et cette vie contemplative, cette formation intellectuelle. J’ai maintenant cette joie extraordinaire d’évangéliser par mon dessin, par mon humour, d’être au service du Seigneur, de faire ce que j’aime, et de le faire pour lui. C’est merveilleux ! C’est une grâce de partager ça avec Ligia et à travers ce livre, pouvoir avoir une vie d’évangélisation constante.
Ligia : Grâce à ce livre et au dessin, on circule un peu partout. C’est une grâce de voir en direct les réactions des personnes. On voit l’action du Seigneur dans les cœurs. Pratiquement à chaque fois on a des retours en direct des personnes qui sont très touchées, qui viennent du coup nous confier leur vie spirituelle, même échanger, c’est des moments très riches.
Yves : Avant d’écrire le bouquin on avait donné un témoignage à sainte Anne d’Auray. Notre fille nous a rejoints à la fin du témoignage. Elle nous a dit : « Mais qu’est-ce que vous leur avez dit ? ». Elle avait croisé plein de gens qui pleuraient. C’est superbe que les gens puissent toucher du doigt la miséricorde de Dieu.
C’est avec joie qu’on partage les richesses que le Seigneur nous a données, qu’on le laisse passer à travers nous. Certes, ce n’est pas parce qu’on a reçu toutes ces grâces qu’on ne souffre pas. Mais on sait où demander du secours. La joie qu’on vit ne nous préserve pas du tout des épreuves, au contraire ! On traverse les épreuves que tout le monde peut traverser. Seulement, on a un atout supplémentaire pour les traverser : la foi, cette certitude de la présence du Christ dans nos vies. Il est là, il attend un petit geste de nous. Plus vous lui ferez de petits gestes, plus il agira dans votre vie.
Un exemple de la Providence dans votre vie ?
Yves : Voici une anecdote qu’on raconte dans notre livre. Après le Brésil, on a atterri en Bretagne, parce qu’on pouvait y avoir une maison gratuitement. Mais on sentait qu’on était appelés à partir ailleurs. On a donc impliqué à fond le Seigneur dans notre décision. Après avoir inscrit une trentaine de noms de communautés sur des papiers (on sentait qu’il fallait qu’on soit proche d’une communauté, et on avait besoin de Soleil après la Bretagne), notre fils d’un an, Bruno a tiré au sort. « Nîmes, Porte du Ciel, Communauté des Béatitudes ». Cela à mis 9 mois à se mettre en place. Dans le village que nous vision, l’évêque avait envoyé un prêtre des Béatitudes. Son presbytère était souvent vide, et ça lui donnait le cafard. Depuis 2 ans, il priait pour qu’un couple vienne s’y installer. Nous y sommes resté 3 ans. Détail non négligeable : le prêtre des Béatitudes qui était là était ventriloque. Il faisait des spectacles pleins d’humour. On s’est retrouvés sur la même longueur d’ondes spirituelle, dans les 2 sens du terme. Ce fut riche en partage, d’amitié de fraternité. Je n’aurais pas osé le demander à Dieu.
Après ce livre, avez-vous avez un projet en cours ?
Yves : Nous montons Le zygomatique, une petite maison d’édition dédiée à l’évangélisation par l’image. Nous produirons des cartes postales, des posters et des calendriers illustrés avec mes dessins. Le but est qu’en les affichant, nos murs, au lieu de nous enfermer, deviennent des fenêtres ouvertes sur l’espérance et permettent d’évangéliser. On a eu des retours de gens qui étaient très remontés contre l’Église, et pour qui le rire a fait tomber beaucoup de préjugés. Notamment, j’ai l’exemple d’un anticlérical fanatique qui, après avoir lu mes livres, a inscrit sa fille au catéchisme.