La famille Ulma – Marcher avec les saints

C’est la première famille béatifiée collectivement ! Découvrez l’histoire des Ulma, 9 polonais dont l’Eglise a reconnu le martyre vécu durant la seconde guerre mondiale. Ils sont fêtés le 24 mars.

La famille Ulma

Le 10 septembre 2023 a eu lieu un événement important pour l’Église universelle. Ce jour-là, à Markowa en Pologne, le cardinal Semeraro, préfet du dicastère pour les Causes des saints, envoyé du pape François, a béatifié la famille Ulma tout entière ce qui est un fait sans précédent dans l’histoire de l’Église moderne. L’Église a en effet reconnu tous les membres de cette famille comme martyrs : les parents Jozef Ulma (44 ans) et Wiktoria (32 ans), et leurs enfants : Stanislawa (7 ans), Barbara (6 ans), Wladyslaw (5 ans), Franciszek (3 ans), Antoni (2 ans), Maria (un an), et un septième enfant dont je parlerai plus tard. Tous sont inscrits désormais comme bienheureux martyrs dans le martyrologe de l’Église. Ils sont fêtés le 24 mars, jour de leur entrée au ciel. On les appelés « les Samaritains de Markowa ».

Quelle est l’histoire de cette famille extraordinaire ?

Jozef Ulma naît le 2 mars 1900 dans le village de Markowa, dans une famille d’agriculteurs aisés. Dans sa jeunesse, il est membre de différentes associations, l’Association catholique de la jeunesse rurale, par exemple. Très vite, il se passionne pour la photographie, ce qui nous permet aujourd’hui d’avoir de nombreux clichés de la famille.

Jozef fait son service militaire entre 1921 et 1922. Il étudie ensuite à l’école nationale d’agriculture de Pilsen où il obtient son diplôme. De retour à Markowa, il travaille dans la ferme familiale : il cultive des légumes et des arbres fruitiers ; il élève aussi des abeilles et des vers à soie. En 1933, il obtient un prix agricole pour couronner ses activités. Esprit ouvert, il est le premier à introduire l’électricité dans son village, en connectant une ampoule à un petit moulin à vent pour éclairer sa maison.

Wiktoria Niemczak est née le 10 décembre 1912 également dans le village de Markowa. Ses parents sont agriculteurs. Sa maman meurt alors qu’elle a à peine 6 ans. Elle fait ses études à Markowa, puis à l’université populaire de Gać. Elle s’intéresse au théâtre.

Jozef et Wiktoria se marient le 7 juillet 1935. Rapidement des enfants arrivent pour le plus grand bonheur des parents : je vais les citer dans la version française de leur prénom

Stasia, le féminin de Stanislas (née le 18 juillet 1936),
Barbara (née le 6 octobre 1937),
Ladislas (né le 5 décembre 1938),
François (né le 3 avril 1940),
Antoine (né le 6 juin 1941),
Marie (née le 16 septembre 1942).

Au moment de sa mort, Wiktoria est encore enceinte ; elle est à 7 mois de grossesse.

La famille Ulma est membre active de la paroisse sainte Dorothée. Ils font partie du rosaire vivant de leur église. Jozef et Wiktoria sont des gens formés, bien éduqués, qui possèdent une bibliothèque avec de nombreux livres. Wiktoria parle l’allemand.

Lorsque la guerre est déclarée avec l’Allemagne en 1939, Jozef est mobilisé et participe à la campagne de Pologne. Ensuite il rentre chez lui.

Dans la Pologne occupée, les nazis se mettent à la recherche des juifs. Ceux de Markowa ne font pas exception. Seuls survivent ceux qui ont été cachés dans des familles polonaises. Les Ulma cachent dans le grenier de leur ferme deux familles juives, soit 8 personnes en tout : six membres de la famille Szall (le père, la mère et leurs quatre fils), ainsi que deux filles de Chaim Goldman, Golda et Layka. Jozef et Wiktoria savent que s’ils sont découverts, ils seront fusillés sur le champ. Cela ne les empêche pas de les accueillir pendant un an et demi sous leur toit au nom de l’Évangile qu’ils désirent vivre pleinement. Ainsi, par exemple, on a découvert que dans la Bible familiale, le passage du Bon Samaritain était souligné au crayon rouge. C’est ce qui explique les Ulma soient appelés « les Samaritains de Markowa ».

En mars 1944, Włodzimierz Leś, un agent de la police, dénonce les Ulma. C’est lui déjà qui s’est approprié les biens de la famille Szall quand ils sont entrés dans la clandestinité.

Le matin du 24 mars 1944, un détachement de la Police de l’ordre, l’Ordnungspolizei qui fait partie des SS, encercle la ferme des Ulma. La troupe est commandée par le lieutenant Eilert Dieken. Les 8 juifs de la maison sont débusqués et immédiatement abattus. Ensuite, Wiktoria et Jozef sont fusillés à leur tour. C’est le sort réservé à tous ceux qui cachent des juifs. Que faire des enfants ? Il y a un conciliabule dans le groupe des policiers. Finalement, l’un d’eux, Joseph Kokott, un policier de 23 ans qui porte une tête de mort sur son béret, fait feu sur les enfants et en tuent plusieurs. Il s’écrie : « Regardez comment périssent ces porcs de Polonais qui donnent refuge à des juifs. » Les enfants survivants sont tués par d’autres membres du détachement.

Toute cette horrible boucherie a eu lieu devant témoins, dont le chef du village, Teofil Kielar, qui est chargé de faire creuser deux fosses communes, l’un pour les 8 juifs et l’autre pour les 8 Ulma et le bébé à naître. Teofil Kiela demande au chef du détachement, Eilert Dieken, pourquoi ils ont également tué les enfants. Ce dernier répond en allemand : « Pour que vous n’ayez aucun problème avec eux. »

Malgré l’interdiction nazie, les dépouilles de la famille Ulma seront déplacées et enterrées finalement dans le cimetière du village le 11 janvier 1945.

Le 13 septembre 1995, Józef et Wiktoria Ulma reçoivent le titre de « Justes parmi les nations » décerné par le mémorial Yad Vashem à Jérusalem.

Le procès de béatification des Ulma a commencé en 2003 dans le diocèse de Przemyśl (prononcer chemechow) avec un groupe de 122 martyrs de la seconde guerre mondiale. Mais l’Église a jugé plus opportun de retirer les Ulma de ce groupe et de créer un groupe spécial pour la famille en 2017. L’objectif recherché était clairement de mettre en valeur le témoignage de cette famille martyre.

Lors de la béatification, le bébé à naître dont on ne sait pas si c’était une fille ou un garçon a été reconnu comme martyr avec le reste de la famille. J’ai moi-même été induit en erreur sur ce sujet. J’ai cru pendant un temps qu’il avait été béatifié comme bébé dans le sein de sa mère. En fait, ce n’est pas le cas. Lorsqu’on a déplacé les corps de la famille Ulma pour les enterrer dans le cimetière du village, on a remarqué que Wiktoria avait commencé à accoucher et que la tête et une partie du corps de son bébé était déjà sortie de son ventre. Le septième enfant est donc considéré comme étant né et tué à sa naissance. Il a pu être béatifié car l’Église a reconnu qu’il avait reçu le baptême de désir et le baptême du sang. Le baptême de désir, car on sait que c’était la volonté des parents de le baptiser dès sa naissance comme tous ses frères et sœurs. Le Baptême de sang,  un peu comme ce fut le cas des saints Innocents.

La béatification de toute une famille est un fait exceptionnel dans l’histoire de l’Église. C’est un signe que la famille est une véritable école de sainteté, que le sacrement de mariage est donné pour la sanctification des époux qui rejaillit sur toute leur progéniture. On sait, par exemple, que les Ulma priaient en famille tous les jours et que les parents partageaient leur foi vivante avec leurs enfants.

La reconnaissance du martyre des enfants est aussi un élément neuf. En effet, on sait que les parents ont pris des risques en cachant des juifs par amitié et charité chrétienne, mais les enfants n’étaient pas impliqués dans ce choix. L’Église a jugé que si les parents ont été tués par haine de la foi, les enfants ont été tués pour la même raison. Leur martyre s’apparente à celui des saints innocents.

La famille Ulma a été témoin de la charité jusqu’au don total. Dans la Bible familiale, on a aussi découvert un autre passage souligné en rouge, par Jozef ou Wiktoria Ulma : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même » (Luc 10, 27). C’est cet amour dont la famille Ulma a été témoin : témoin et martyr de la charité et de l’amour.

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