Connue pour ses visions et les stigmates du Christ qu’elle portait, Anne-Catherine Emmerich a pourtant été béatifiée pour une autre raison : son héroïsme dans la foi. Elle est fêtée le 9 février.
Bienheureuse Anne-Catherine Emmerich
Beaucoup de catholiques en ont entendu au moins parler. Elle est connue pour ses visions de la vie de Jésus qui ont donné lieu à la publication de livres que des papes comme Pie XII, Jean-Paul II ou Benoît XVI ont lu et parfois recommandé. Certains détails qu’elle donne sont stupéfiants et ont pu être vérifiés par des spécialistes. Cette mystique fameuse s’appelle Anne-Catherine Emmerich et elle a été béatifiée par Jean-Paul II en 2004.
Je reconnais que j’ai toujours une réticence à l’égard des révélations privées comme celles dont notre bienheureuse a été favorisée. Le fait qu’elle ait été béatifiée par l’Église me rassure, je l’avoue. Je suis gêné de voir parfois des personnes pieuses et très bien intentionnées être à la chasse de ce type de révélations. J’aime rappeler, avant de vous raconter la vie extraordinaire de la bienheureuse Anne-Catherine Emmerich, la position de l’Église à ce propos. C’est dans le Catéchisme de l’Église catholique au n°67 : « Au fil des siècles il y a eu des révélations dites “privées”, dont certaines ont été reconnues par l’autorité de l’Église. Elles n’appartiennent cependant pas au dépôt de la foi. Leur rôle n’est pas d’“améliorer” ou de “compléter” la Révélation définitive du Christ, mais d’aider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de l’histoire. Guidé par le Magistère de l’Église, le sens des fidèles sait discerner et accueillir ce qui dans ces révélations constitue un appel authentique du Christ ou de ses saints à l’Église. »
Ceci étant dit, intéressons-nous à la bienheureuse que nous fêtons en ce 9 février.
Anna-Katharina Emmerich est née le 8 septembre 1774 à Flamschen en Westphalie (Allemagne). Ses parents sont paysans. Elle a 8 frères et sœurs. Elle ne fréquente que très peu l’école. Elle aide sa famille dans les travaux domestiques et agricoles. Ses parents lui donnent une éducation chrétienne solide. À 13 ans, elle est envoyée travailler dans une ferme voisine. Là, elle apprend aussi la couture. C’est là que se déroule une histoire intrigante. À la ferme, on découvre qu’Anne-Catherine découche tous les soirs. Étonnant pour une jeune fille qui a l’air si pieuse. On la suit en secret. Peut-être a-t-elle un prétendant caché ? En fait, elle se rend dans le village tout proche, et là, elle pénètre dans l’église pour prier malgré que les portes de l’église soient toujours fermées à clé. Ceux qui la suivent voient les portes s’ouvrir devant la jeune fille comme des portes automatiques actuelles. De retour le matin à la ferme, elle assure son travail comme si de rien n’était.
À 16 ans, Anne-Catherine est de retour dans sa famille. Elle refuse une demande en mariage car elle sent un fort appel à la vie consacrée, mais ses parents ne l’acceptent pas. Ils ont peur que la forte dote demandée ne soit perdue si les couvents son fermés comme ils l’ont été dans la France voisine.
Pendant 12 ans, Anne-Catherine va chercher et attendre une congrégation qui veuille bien l’accepter. Sa santé est mauvaise, elle souffre beaucoup et elle commence à recevoir des grâces mystiques. Depuis l’âge de 25 ans, par exemple, elle sent une couronne d’épines invisible qui lui enserre la tête, et qui, chaque vendredi, la fait saigner. Anne-Catherine arrive à cacher ces saignements. Finalement, en 1802, elle est reçue chez les Augustines de Dülmen où elle prononce ses vœux un an plus tard. Elle vit la règle de sa congrégation avec grande application, acceptant tous les services même les plus humbles qui lui sont proposés. Elle est rapidement le souffre-douleur de toute la communauté mais elle ne plaint jamais.
En 1807, Anne-Catherine commence à ressentir les douleurs des stigmates qui restent invisibles. En 1811, le couvent de Dülmen est sécularisé et fermé par les autorités napoléoniennes. Anne-Catherine est prise comme domestique d’un prêtre français, l’abbé Lambert, qui a fui son pays pendant la révolution. C’est l’ancien aumônier des sœurs et il a pressenti en Anne-Catherine une âme d’exception. Dès 1813, elle est obligée de s’aliter. Elle ne quittera plus son lit jusqu’à sa mort. Sa jeune sœur vient habiter avec elle pour la soutenir et la soigner. À ce moment, les stigmates deviennent visibles. Peu à peu, Anne-Catherine perd l’appétit et finit par vivre dans un jeûne total. Un médecin, Franz Wesener, vient l’examiner pour démasquer ce qu’il pense être une supercherie. Il demeure abasourdi. Il devient l’ami d’Anne-Catherine et note dans son journal entre 1813 et 1819 tout son travail médical sur la stigmatisée. Depuis son lit, Anne-Catherine tente de se rendre utile. Autant qu’elle le peut, elle coud des habits pour les pauvres.
Beaucoup de gens viennent la visiter pour demander ses prières ou des lumières sur leur vie. En 1818, un poète nommé Clemens Brentano devient son ami intime. Il visite quotidiennement Anne-Catherine et se met à noter les récits des visions qu’elle lui raconte. Il remplit ainsi quelque 16.000 feuillets et il les publiera après la mort d’Anne-Catherine.
En 1823, les forces d’Anne-Catherine la quittent peu à peu. Elle meurt le 9 février 1824.
Neuf ans après la mort d’Anne-Catherine Emmerich, Clemens Brentano publie à partir de ses notes La douloureuse Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ. L’ouvrage est précédé d’une notice biographique qui présente Anne-Catherine Emmerich. Clemens Brentano meurt en 1842. En 1852, un autre livre intitulé La vie de la Vierge Marie est publié à partir de ses notes, puis entre 1858 et 1860, les trois volumes de La vie de Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.
Le procès de béatification d’Anne-Catherine Emmerich commence en 1892, mais il est interrompu parce que les théologiens se rendent compte que les écrits attribués à la servante de Dieu ont été (entre guillemets) « améliorés » par Clemens Brentano qui y a fait des ajouts et des emprunts de toute sorte au point qu’il n’est plus possible de trouver le texte réellement raconté par Anne-Catherine. En 1927, l’Église décide de ne pas considérer les notes et les rédactions de Brentano comme des écrits d’Anne-Catherine, ce qui débloque la cause. Mais ce n’est que le 3 octobre 2004 qu’elle a été béatifiée par Jean-Paul II. Voici ce que le journal officiel du Vatican, l’Osservatore romano, disait le 7 octobre de la même année :
« La bienheureuse Anne-Catherine Emmerich, ne nous a laissé que trois lettres dont l’authenticité soit sûre. Les autres écrits, qui lui sont attribués par erreur, ont des origines diverses : les “visions” de la Passion du Christ ont été annotées, réélaborées très librement et sans contrôle par l’écrivain allemand Clemens Brentano et ont été publiées en 1833 sous le titre La douloureuse passion de Notre Seigneur Jésus-Christ. […] Les œuvres en discussion ne peuvent donc pas être considérées comme des œuvres écrites ou dictées par Anne-Catherine Emmerich ni comme des transcriptions fidèles de ses déclarations et de ses récits, mais comme une œuvre littéraire de Brentano qui a procédé à de telles amplifications et manipulations qu’il est impossible d’établir quel est le véritable noyau attribuable à la bienheureuse. »
Le brave Clemens Brentano a certainement cru bien faire en adaptant librement ce qu’il avait entendu d’Anne-Catherine Emmerich, mais ce faisant, il a bien failli empêcher sa béatification. Heureusement, cette dernière n’a pas été béatifiée à causes de ses visions. Elle a été béatifiée parce qu’elle a vécu de manière héroïque la foi dans le Christ et que Dieu a authentifié sa sainteté par un miracle qui a été reconnu par l’Église. Elle est enterrée aujourd’hui dans la crypte de l’église Sainte Croix de Dülmen, la ville où elle décédée il y a maintenant 200 ans.
Demandons que, par son intercession, nous puissions aimer la croix comme elle l’a aimée et être trouvés fidèles au Christ jusque dans les plus petits détails de notre vie.