De l’aube à la blouse de médecin : un séminariste auprès des malades du covid

Séminariste en première année précédemment interne en médecine, Erwan a décidé de se porter volontaire dans un service qui soignait les malades du coronavirus. Un témoignage fort et émouvant de la présence de Dieu auprès des malades et des soignants.

Comment es-tu passé du statut de séminariste à celui de médecin dans un service dédié au Covid 19 ?

Portrait Erwan seminariste medecin CovidLe début du confinement était très dur pour moi. Dur parce que, depuis le séminaire, ma « vocation » de médecin s’est réveillée en moi devant la crise sanitaire. C’était difficile de rester là alors qu’à l’extérieur je pouvais aider. De plus, les hôpitaux ont fait un appel à tous les internes qui étaient en année de disponibilité, ce qui est mon cas. A ce moment-là je me disais « Erwan tu es au séminaire maintenant, ta place n’est pas à l’hôpital ». Mes supérieurs de maison du séminaire ont été très compréhensifs quand je leur en ai parlé. Ils m’ont même poussé en me disant : « oui, ta place est là-bas, propose-toi. »

Je suis donc venu en renfort dans une unité Covid de 16 patients pendant 6 semaine, au rythme de 6 jours par semaine. Le but était de permettre aux autre équipes de se reposer. Malgré le rythme soutenu avec des grosses journées c’était une belle expérience.

Comment as-tu été accueilli en tant que séminariste-médecin dans une unité de soins pour les malades du Covid ?

Un médecin venant volontairement en renfort est forcément bien accueilli. J’ai toujours également gardé mon étiquette de séminariste, même auprès des soignants, et cela s’est bien passé. Ordinairement, un médecin a beaucoup d’impératifs à côté du service : réunions, consultations…  et il n’a pas le temps de partager beaucoup de choses personnelles avec le personnel soignant. N’ayant pas tous ces impératifs à côté, j’étais là à 100% pour le service. J’ai donc pu vivre une certaine proximité avec le personnel soignant, et ils n’en avaient pas l’habitude. J’allais manger tous les déjeuners avec les infirmières et le personnel soignant de mon équipe. Ça a été l’occasion de partager plein de choses en profondeur ! Avant de partir, toutes les infirmières du service m’ont préparé un goûter d’au revoir. J’étais hyper touché ! Ce qu’on avait vécu ensemble les avait marquées.

Avant que je parte du séminaire, il y a eu une grande prière des frères. J’ai reçu des textes de la Bible sur le fait d’apporter la joie du Christ auprès des gens que je rencontrais. Le Seigneur m’a précédé dans beaucoup de rencontres et le service a été un lieu de témoignage énorme pour moi. Ce n’était pas une rupture dans ma réponse à l’appel de Dieu. J’étais à la fois médecin et séminariste. Avant, comme simple médecin, je n’osais pas forcément parler de ma foi, ou prier avec les patients. Quand je relis ces 6 semaines, je vois que les moments les plus beaux sont les moments de foi, avec le Christ, de témoignage, plus que les moments de médecine, ce qui me conforte aussi dans cette continuité vers le sacerdoce.

Veux-tu nous partager quelques rencontres fortes de ces 6 semaines ?

Prêtres de l’Emmanuel, ils témoignent de leur appel !

La première personne qui est décédée dans mon service était un monsieur de 82 ans. Dans ses derniers jours, quand sa douleur était intense, il répétait “Jésus, Jésus, Jésus…” Ça m’a beaucoup marqué. Je lui ai demandé s’il était angoissé par rapport à ce qu’il y avait après. On a parlé du paradis, de Jésus… A un moment, il était moins conscient, il poussait des cris et gémissait. Je suis allé à côté de lui et j’ai commencé à prier le chapelet : ça l’a complètement apaisé ! Il a arrêté de gémir, ça a été très fort pour moi. Le lendemain j’ai pu le voir quelques minutes avant son décès, et le rassurer en disant que Jésus était avec lui et qu’il n’avait pas à avoir peur… Il est décédé quelques minutes après cela. Quand sa famille est venue constater le décès, j’ai pu leur dire comment était leur papa à la fin de sa vie. Ça a été un soulagement pour eux. Je ne mesurais pas du tout quel cadeau c’était pour eux de savoir que leur père n’était pas mort seul, mais avait pu être accompagné dans les derniers moments de sa vie. Parce qu’au tout début de la crise les familles ne pouvaient pas venir voir les patients. Quelle providence que je me retrouve dans un service avec ce patient, pour la famille duquel c’était primordial que leur père ne soit pas mort seul, mais soit mort avec le Christ et avec des personnes qui l’entourent.

Un autre témoignage, c’est avec une soignante, baptisée mais qui se dit athée. C’était une de mes infirmières pendant une journée. Quand je lui ai dit que j’étais séminariste, elle m’a posé plein de questions. Je lui ai raconté mon témoignage. Elle a été hyper touchée et m’a posé plein de questions sur Dieu, sur la prière… Alors qu’elle n’a été affectée qu’une journée dans mon service, elle est revenue d’autres jours plusieurs fois dans la journée parler avec moi, alors qu’elle était dans d’autres service. C’était drôle, elle venait dans la salle de soins en me disant : « je viens pour la confession ! » Avant que je parte, elle m’a dit : « je vais continuer ma quête vers ton pote Dieu ». Une quête et une histoire ont commencé. C’est un beau cadeau de voir qu’il y a comme une graine qui a été semée par le Seigneur à travers mon témoignage.

Quelles sont les joies que tu retires de ces 6 semaines de service ?

Des joies médicales : les gens qui sont guéris. Beaucoup de joie aussi quant à l’engouement qu’il y a autour des soignants et de l’aide aux personnes vulnérables. Un soir, je suis sorti vers 20h franchement épuisé, et les gens applaudissaient sur mon chemin : c’est magnifique cette solidarité, on a l’impression de faire corps. Et puis des joies spirituelles ! Des petites graines ont été plantées avec le personnel soignant ou avec certains patients. C’est une joie de pouvoir attirer à la réflexion sur Dieu, sur le paradis, sur toutes les réalités du Royaume des cieux, une joie d’être simplement témoin du Seigneur.

Enfin, “Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir” (Ac 20, 35). Cette joie du service, je l’ai vécue pendant 6 semaines. Quand on se prépare à devenir prêtre, on a le désir d’être tout donné. C’était difficile pour ceux resté confinés au séminaire, alors que là, je me levais tous les jours, et je me donnais.

Une grande joie a aussi été la personne chez qui je logeais. Pierre, un gars de 50 ans, récemment divorcé, qui a vécu des choses difficiles dans sa vie. Il avait un grand cœur, une grande écoute. Quand on rentre de journées assez intenses et épuisantes c’est un beau cadeau d’avoir cette oreille attentive, douce et attentionnée. Il m’a beaucoup apporté, et je pense que c’était réciproque. De manière très providentielle, le directeur de l’hôpital m’avait proposé d’être logé chez cette personne qui se proposait de recevoir quelqu’un chez lui. Il a fait un beau cheminement vers le pardon sur ces 6 semaines. Il a commencé à remettre sa croix, il ne parlait plus de sa femme comme de son ex-femme, l’appelait par son prénom, il a commencé à lui renvoyer des messages. Plein de petites perspectives s’ouvraient.

Hors de l’hôpital, tu as trouvé du soutien ?

Je me suis senti soutenu par énormément de personnes. Je suis arrivé le 30 mars dans un service en pleine épidémie. Mon premier soir a été très compliqué. J’ai réalisé que les gens mouraient seuls. Il y avait une perte d’humanité très difficile pour moi. Pour chaque patient, quand tu rentres dans sa chambre tu dois t’équiper d’une surblouse, d’une charlotte, d’un tablier, de gants, de lunettes, d’un masque, etc… On te demande d’y aller le moins souvent possible, et d’y rester le moins de temps possible quand tu y vas, parce que ça augmente les risque de surinfection.

Une des premières patientes que j’ai vue venait de perdre son mari du coronavirus à 80 et quelques années. Elle m’a dit : « J’ai l’impression d’être une machine. Quand on rentre dans ma chambre on vient faire deux trois trucs et on repart, c’est tout ! ».

Cette première journée, je l’ai racontée par écrit et l’ai envoyée à ma famille, au séminaire, à ma maisonnée. Dans les jours qui ont suivi, ils m’ont envoyé des messages de soutien, ils ont prié… J’ai pu régulièrement leur envoyer certains noms de patients, certaines situations, et ils ont prié et fait célébrer des messes pour eux. J’étais très touché de voir toute cette communauté qui me soutenais et me portait. J’ai réalisé que nous sommes tous ensemble en mission, et que je ne suis pas seul. Je suis juste les petites mains devant.

En réalité, tu as fait une mission d’évangélisation de 6 semaines ?

Oui, mais ça c’est normal. J’espère que toute ma vie sera comme ça. La plus grande joie vient de là. Quand on est témoin du Christ, quel cadeau !

Est-ce qu’une parole de Dieu t’a particulièrement porté durant cette période ?

J’ai réalisé que le grand désir du Seigneur c’était cela : « que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. » (Jean 15, 11) J’ai vécu une expérience ou ce n’était plus moi qui conduisais ma vie. Tant de choses m’échappaient, que ce soient les rencontres, les patients, l’évolution de la situation… en tout cela, le Seigneur me précédait. Quand on rentre dans cette dynamique, de pauvreté, de se laisser guider, la joie est parfaite.

Le mot pauvreté revient beaucoup dans ton témoignage.

La pauvreté est une expérience fondamentale dans la vie chrétienne. J’aime bien cette image de la bouteille d’eau : on dit qu’on aimerait être rempli par le Seigneur, mais si la bouteille est déjà pleine, où est la place pour le Seigneur ? On réalise petit à petit, qu’en fait, on est bien vides, limités, faillibles, imparfaits… Et ça nous permet d’être en vérité avec Dieu.

C’est l’expérience que j’ai vécue dès la veille de ma présence à l’hôpital. Je n’ai quasiment pas dormi de la nuit, en me disant : « Sur quoi est-ce que je pars ? Ça fait un an et demi que je n’ai pas exercé la médecine, je ne connais plus rien. » Ces moments où on se rend compte qu’on est tout petits sont les moments où on est le plus vrai. Vrai avec le Seigneur parce qu’on va demander son aide et qu’on expérimente qu’on en a réellement besoin.

De manière plus large avec d’autres médecins, on a été confrontés à une maladie qu’on découvrait, qui nous surprenait par sa gravité, et dont on ne sait presque rien encore aujourd’hui. La médecine qui prétendait faire du transhumanisme, et arriver à « un homme immortel » est démunie face à un tout petit virus. C’était une expérience de pauvreté pour beaucoup, mais c’est un cadeau la pauvreté.


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