L’apport du Renouveau charismatique : une diversité réconciliée

Dans Pour que tous soient un (Première Partie), la théologienne protestante Dominique Caudal scrute le rôle de l’Esprit Saint dans ce chemin d’unité des Églises chrétiennes, spécialement à travers le Renouveau.

Par DOMINIQUE CAUDAL

« Heureux sont vos yeux, parce qu’ils voient, et vos oreilles, parce qu’elles entendent ! Je vous le dis, en vérité, beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu » (MT 13,16-17)

D Caudal IEV356À la Pentecôte 2017, à la demande du pape François, des membres du Renouveau charismatique catholique du monde entier se sont rassemblés pour louer et rendre grâce pour tous les dons reçus pour le renouvellement de l’Église. Étaient aussi invités des amis évangéliques du pape François, ainsi que les protestants du Renouveau qui le désiraient. Nous étions là, mon mari catholique, et moi membre de l’Église luthéro-réformée de France.

Ma surprise a été grande en écoutant les exhortations de Michèle Moran, du père Cantalamessa, du pasteur Traettino, et du pape François : chacun dans ses propres mots insistait : ce Jubilé, cette fête des cinquante ans du Renouveau étaient aussi un appel à la relecture et à la conversion : qu’avons-nous fait des deux dimensions de ce courant de grâce du Saint-Esprit : n’est-il pas dès l’origine à la fois charismatique et œcuménique ? N’est-ce pas aujourd’hui ce kaïros, ce temps favorable pour l’unité dans l’Esprit Saint, afin que le monde croie en Jésus et soit sauvé ?

Écoutons ces mots du pape François :

« Aujourd’hui nous avons choisi de nous réunir ici, dans cet endroit… parce qu’ici, pendant les persécutions, ont été martyrisés des chrétiens… Aujourd’hui il y a plus de martyrs chrétiens. Ceux qui tuent les chrétiens, avant de les tuer, ne demandent pas : “Tu es orthodoxe ? Tu es catholique ? Tu es évangélique ? Tu es luthérien ? Tu es calviniste ?” Non : “Tu es chrétien ?” – “Oui” : égorgé, tout de suite… Ça, c’est l’œcuménisme du sang…  Aujourd’hui, l’unité des chrétiens est plus urgente que jamais, unis par l’opération de l’Esprit Saint, dans la prière et dans l’action pour les plus pauvres. Avancer ensemble, travailler ensemble ; nous aimer. Ensemble chercher à expliquer les différences, nous mettre d’accord, mais en marchant… L’Esprit veut nous voir avancer… : l’unité pour la mission, non pas pour être immobiles ! Pour proclamer que Jésus est le Seigneur, pour annoncer ensemble l’amour du Père pour tous ses enfants ! Pour démontrer que la paix est possible… Même en montrant que nous avons des différences – mais que nous désirons être « une diversité réconciliée ». Nous sommes réunis ici, pour célébrer l’œuvre souveraine de l’Esprit Saint dans l’Église, qui a donné naissance… au courant de grâce du Renouveau charismatique catholique, œuvre qui est née… catholique ? Non ! Elle est née œcuménique parce que l’Esprit Saint a créé l’unité… La Pentecôte a fait naître l’Église. L’Esprit Saint… c’est lui qui fait l’Église : l’épouse de l’Apocalypse, une épouse unique !… Le don le plus précieux que nous avons tous reçu, c’est le baptême. Et maintenant, l’Esprit nous conduit sur le chemin de la conversion qui traverse tout le monde chrétien… Ce courant de grâce est pour toute l’Église… Tous nous sommes des serviteurs de ce courant de grâce… » (Pape François, Pentecôte 2017, à retrouver sur le site emmanuel.info).

Les frontières œcuméniques déplacées

En entendant ces mots, mon cœur était brûlant. Voyant le Pape François entouré de ces responsables charismatiques, catholiques et protestants, j’avais l’impression d’avoir devant moi mon jury de thèse en théologie pratique : ils semblaient valider mes conclusions.

En effet, quelques années plus tôt, j’avais fait tout un travail de recherche sur le sujet suivant : « Les réalités charismatiques déplacent-elles les frontières œcuméniques ? » J’avais rencontré une vingtaine de communautés, groupes de prière, assemblées et Églises évangéliques ou pentecôtistes. Lors de ces entretiens, j’étais frappée de retrouver, sous des expressions différentes, les mêmes essentiels : un même goût renouvelé pour la prière et la louange, pour la lecture de la Bible, pour la vie fraternelle, un même appel au service des pauvres et au témoignage. Tout cela semblait le fruit de la présence vivante de l’Esprit Saint, revivifiée par l’effusion ou le baptême dans l’Esprit Saint. Des dons, des charismes étaient reçus pour la vie de l’Église et sa mission.

Aujourd’hui, qui sommes-nous donc pour établir des frontières et des barrières là où l’Esprit Saint est à l’œuvre pour nous rapprocher ? En plus de l’œcuménisme institutionnel, toujours important et complémentaire depuis une centaine d’années déjà, jaillit une autre œuvre de l’Esprit Saint, plus simple et directe, au cœur du peuple de Dieu, dans sa grande diversité. La reconnaître, la voir, comme le fait le pape François et bien d’autres avec lui, peut nous remplir d’espérance et de joie, d’une dynamique dans l’Esprit Saint pour faire ensemble tout ce que nous pouvons : prier, louer, lire la Bible, témoigner, servir ensemble. Certains sont même appelés à vivre ensemble au quotidien, comme des “paraboles d’unité” (à Taizé, dans la communauté du Chemin Neuf, ou chez les couples interconfessionnels par exemple). Tant de signes sont donnés aujourd’hui de l’action de l’Esprit Saint pour réconcilier les différents membres du Corps du Christ : le Forum chrétien mondial rassemble des responsables de toutes les confessions chrétiennes ; Charis, sur la volonté du pape François, réunit toutes les réalités charismatiques catholiques autour d’une feuille de route commune (baptême dans l’Esprit Saint, œcuménisme, service des pauvres et témoignage).

Laurent Fabre, fondateur de la Communauté du Chemin Neuf, ose proclamer : « Le miracle de l’unité a déjà commencé. » Plusieurs théologiens insistent sur le nouveau défi du XXIe siècle : articuler ce double mouvement de l’Esprit Saint initié au XXe siècle : la dimension surnaturelle de la vie du chrétien par l’Esprit de Pentecôte, et l’appel à l’unité visible de l’Église par l’œcuménisme. C’est donc comme si le Seigneur nous invitait à oser nous aventurer sur les chemins de l’autre de confession différente. C’est d’ailleurs mon expérience : étudiante à Paris, ayant reçu le baptême dans l’Esprit durant l’été 1973 à Gagnières (centre charismatique œcuménique), je cherchais un groupe de prière. Or, c’est dans ce qui allait devenir la Communauté de l’Emmanuel que je me suis sentie chez moi, comme appelée. Huit années en communauté puis plusieurs années au sein des groupes de prière, avec mon mari, m’ont aidée à m’ouvrir de l’intérieur, aux grâces de l’Emmanuel : en particulier celle de l’adoration du Saint Sacrement : « Tu peux adorer avec nous, Dominique, nous espérons tous adorer en Esprit et en vérité (cf. Jn 4,23) », ainsi m’avait accueillie Pierre Goursat, le fondateur. Le message de sainte Marguerite-Marie sur le cœur de Jésus m’a aussi profondément touchée : la déchirure du cœur de Jésus, celle du cœur du Père me parlent tout spécialement de la souffrance de Dieu devant nos divisions, nos indifférences, nos peurs, nos orgueils et nos identités dressées trop souvent par opposition les unes aux autres.

Combien le Père attend à la porte de sa maison le retour de ses enfants qui se sont éloignés les uns des autres ! Combien la prière de Jésus, juste avant le don total de sa vie pour nous, attend que nous nous mettions en route ensemble vers le monde qui a soif et faim de notre annonce de la Bonne Nouvelle !

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Le magazine Il est vivant a publié le numéro spécial :

IEV n°356 - Unité des chrétiens : marcher, prier, travailler ensemble Se procurer le numéro →

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