Clément, 26 ans témoigne de son expérience en service civique au Rocher.
Le Rocher c’est un package, c’est tout ou rien. Quand on choisit d’y aller ce n’est pas juste un travail ou un engagement de bénévole, c’est une mission. Donc c’est assez large, c’est-à-dire que ça a un impact direct sur tous les aspects de notre vie.
Déjà, on vit sur son lieu de travail. Moi qui avait toujours porté une grande attention à faire la distinction entre vie privée et vie professionnelle, là c’était terminé ! On a une vie de prière hyper développée : le matin, on prie entre 1h30 et 2h. J’avais pas une vie de prière très « fournie » en arrivant, donc c’était un gros challenge ! Mais j’ai fini par me rendre compte que c’était un peu comme la course : plus on court, plus on a envie de courir. Et ben plus on prie, plus on a envie de prier.
Lors de cette année, j’ai vraiment pu expérimenter ce qu’était la vraie rencontre. D’abord avec mes frères et sœurs de mission, et puis ensuite avec les jeunes du quartier et les familles dans un environnement qui n’était pas le mien, qui ne m’était pas du tout familier et que j’ai dû découvrir. Je pense que la vraie rencontre est absolument nécessaire, parce que la peur vient de l’ignorance, de ne pas connaître. Nouer des amitiés, créer du lien – avec des musulmans comme avec des personnes de tous milieux – et se mettre à leur service… Ce sont les principales motivations du Rocher.
Parfois en me levant, je galérais à trouver la force nécessaire, mais je me motivais parce que j’y trouvais un vrai sens. J’étais beaucoup plus heureux d’aller faire un tour de la cité, organiser des activités pour des jeunes, plutôt que me lever pour prendre le métro et aller à la Défense en costard cravate.
Et puis il y a des petites anecdotes rigolotes, comme cette fois où des guetteurs tout encapuchonnés, lunettes noires, nous ont demandé : « Ouais le Rocher, franchement, faudra refaire un camp poney, c’était stylé ! ». On dit : « Ok, on va y réfléchir », sachant que, eux-mêmes maintenant, gagnent largement de quoi sponsoriser leur sortie poney avec le trafic !
Je me aussi souviens d’un jour où j’étais sur le city stade pendant les vacances scolaires – c’est le cœur de la cité où l’on se réunit pour jouer au foot – et je rencontre un grand jeune, Ouassime, qui a une vingtaine d’années et qui qui n’était dans la cité que pendant les vacances scolaires. On discute entre deux matchs et il m’explique qu’il est étudiant au Mans. Il me dit : « Quand j’étais au collège et au lycée, j’avais un peu des difficultés à l’école mais je suis allé à l’accompagnement à la scolarité du Rocher et ça m’a bien aidé, je me suis accroché, j’ai eu mon Bac et aujourd’hui, je suis en école d’ingénieur au Mans ! » Voilà, juste une personne qui raconte ça, ça fait super plaisir ! Même s’il y en n’a qu’un seul qui s’en sort, qui est en mesure de faire des études et d’avoir aujourd’hui des perspectives devant lui autres que « je vais dealer pour faire vivre ma famille », moi, je trouve ça déjà assez exceptionnel et c’est le genre de témoignage qui « rebooste » pour un petit moment.
A l’occasion des dix ans de l’antenne du Rocher à Marseille, je me souviens aussi qu’on avait organisé une grande fête dans la cité avec entre 300 et 400 personnes. Et c’était fou de voir qu’après 10 ans de présence, les gens sont capables de se mélanger et de passer un moment festif tous ensemble sans aucun débordement, avec tout le monde qui met la main à la pâte ! Les gens venaient nous voir en disant : « Ah, merci le Rocher, c’est vraiment cool ce que vous faites » ; « Vraiment, nous, on sent la différence depuis que vous êtes là. » etc.
Voilà, on est de passage et on apporte juste sa pierre à l’édifice, mais il y a des choses qui changent ! On n’est pas là pour faire du quantitatif mais plutôt de la qualité et c’est au travers d’évènements comme cette fête qu’on s’aperçoit que OUI, Le Rocher a un impact. Ce n’est peut-être pas grand-chose, ça touche peut-être pas grand monde – enfin, ça on n’en sait rien, et c’est très difficile à établir -, mais moi je suis persuadé que l’impact, il est réel et que, petit à petit, le temps fait son œuvre. Je crois que c’est Mère Teresa qui disait que ce qu’elle pouvait faire c’est peut-être une goutte d’eau dans l’océan, mais qu’en même temps si cette goutte d’eau n’était pas dans l’océan, elle manquerait. J’avais un peu ce sentiment-là aussi… Pour moi, l’action du Rocher, c’est peut-être pas grand-chose, mais je suis persuadé que c’est nécessaire, voire essentiel.