Dans le quotidien de l’enseignant, la relation avec les parents d’élèves occupe une place aussi essentielle que délicate. Souvent reléguée au second plan derrière les enjeux pédagogiques, elle constitue pourtant un levier fondamental pour la réussite des élèves et le bon fonctionnement de l’école. Entre attentes, incompréhensions et parfois tensions, le lien entre familles et enseignants se tisse dans un espace où se croisent émotions, représentations et enjeux éducatifs. Comment dépasser les malentendus pour construire une alliance éducative durable ?
Etablir des relations de confiance
Le premier souci est d’établir des relations de confiance de part et d’autre. Or, la relation entre les familles et les enseignants est souvent décrite comme complexe. Comment nouer et maintenir un dialogue positif ? Comment gérer les conflits ou les oppositions sans rompre la relation de confiance ?
La reconnaissance des peurs réciproques permet une meilleure prise en compte des sensibilités.
Les parents d’élèves ressentent souvent le jugement de l’enseignant sur leur enfant comme un jugement sur eux-mêmes. Ils s’inquiètent de ne pas être à la hauteur, de se ressentir comme incompétents en tant que parents, de ne pas pouvoir aider scolairement leur enfant. Leur passé d’élèves peut leur revenir et susciter des réflexes liés à leur enfance, leur situation familiale éventuellement bousculée par la vie peut les mettre sur la défensive. Un niveau d’études plus faible que celui des enseignants les fragilise ou, au contraire, une réussite sociale et financière mieux reconnue dans la société ne leur facilite pas la reconnaissance des compétences des enseignants. N’est-il pas vrai que l’égalité entre les interlocuteurs est connue pour faciliter le dialogue ?
Un climat d’entraide au sein de l’équipe éducative
Du côté des enseignants, le fait est que leur métier les met essentiellement au contact des jeunes et marginalement en présence des adultes. Ils n’ont pas de pratique habituelle du management des adultes et ils vivent leur métier davantage dans le contact avec les élèves que dans la collaboration entre adultes. Il est alors compréhensible que la rencontre avec les parents ne soit pas leur point fort, surtout en début de carrière où ils sont souvent plus jeunes que les parents. C’est alors qu’ils ont le plus besoin du soutien de leur hiérarchie ; sans ce soutien, le sentiment d’isolement prend le dessus. Pour prévenir des faits de violence, un climat d’entraide est d’abord nécessaire au sein des équipes pédagogiques, ce qui suppose que ces équipes vivent réellement. C’est la condition pour que la gestion de la relation aux parents soit collective.
Et c’est là que l’on voit toute l’importance d’une communauté éducative dans laquelle le projet d’établissement est porté par une direction proche des enseignants et des parents et menant une politique volontariste pour susciter les occasions de rencontres, de collaboration entre eux, de reconnaissance mutuelle. Tisser ces liens d’unité, c’est un travail au jour le jour, une œuvre de patience et de temps, et c’est aussi la réalisation du bien commun qui donne aux uns et aux autres la fierté d’appartenance.
Se former et anticiper
Lorsque l’enseignant considère la relation aux parents comme faisant partie intégrante de son métier, de son travail pédagogique, cela a des effets très positifs. Renvoyer systématiquement les problèmes au directeur d’école ou au CPE affaiblit la position de l’enseignant plus qu’elle ne la renforce. L’intégration de la relation aux parents dans « le cœur du métier d’enseignant » est essentielle. N’est-ce pas la préoccupation la plus importante à avoir pour faire évoluer les choses ?
S’il en ressent le besoin, l’enseignant peut aussi suivre une formation à la communication, à l’écoute active : il se donnera une base objective pour maîtriser les situations délicates et deviendra de moins en moins tributaire de son stress. Il pourra anticiper autant que faire se peut en abordant en amont un certain nombre de questions : comment gérer l’accueil des parents d’élèves ? Quelle sera la présence du jeune à ces rencontres ? Comment aider les parents à épauler leurs enfants dans leurs études ? Comment gérer une rencontre concernant un changement d’orientation ? Comment mettre en avant une réussite de l’élève ? La rencontre devra-t-elle se faire en présence d’un tiers ? Quels documents prévoir ? Quel compte-rendu ou quelle suite donner à la rencontre ? La rencontre avec les parents devra-t-elle être précédée et suivie d’une rencontre avec le jeune ? La liste n’est pas exhaustive !
Une relation nourrie par notre foi
Nous avons abordé des aspects professionnels. Ils constituent une base indispensable. Le fait de partager la même foi et de mettre en place les occasions de rendre ce partage plus vrai, plus humain, renforce considérablement la compréhension entre les différentes instances éducatives. Au professionnel, il faut donner une âme, et pour cela il ne faut pas que le spirituel soit vécu séparément du professionnel. Ce que la pratique de la foi peut apporter de plus sensible, c’est la faculté de changer de regard sur l’autre, sur celui qui est différent de soi. Pour autant que la foi soit conduite dans l’humilité et non dans le jugement de mépris à l’égard d’autrui, avancer dans la confiance en Dieu donne au croyant de se délier pour mieux se relier.
Bernard de Castéra