Montligeon, le sanctuaire qui fait du bien aux âmes
Pourquoi prier pour les âmes du purgatoire ? Comment savoir si les âmes pour lesquelles on a prié ont quitté le purgatoire ? Les indulgences plénières sont-elles automatiques ?
Don François-Régis Moreau est prêtre de la Communauté Saint-Martin, en mission au sanctuaire de Montligeon, un lieu dédié depuis plus d’un siècle à la prière pour les défunts. « Prier pour les défunts, dit-il, est à la fois un acte de charité qui participe à la purification des âmes du purgatoire et un acte d’espérance. »
Don François-Régis, pouvez-vous nous expliquer dans quelles circonstances le sanctuaire de Montligeon a été dédié à la prière pour les défunts ?
Don François-Régis Moreau : « Le sanctuaire de Montligeon a été fondé par l’abbé Paul Buguet (1843-1918) qui en a été le curé pendant 40 ans, de 1878 jusqu’à sa mort. Depuis le séminaire, il priait pour les défunts, en particulier pour les âmes les plus abandonnées du purgatoire. A partir de son ordination, tous les lundis, il célébrait la messe à l’intention des défunts. Puis, il a traversé des événements familiaux difficiles : la perte de ses parents, relativement jeunes, le décès accidentel et brutal de son frère à l’âge de 30 ans dont les deux filles sont décédées, peu après, de déprime et de chagrin. Le devenir de l’âme des défunts l’a donc naturellement préoccupé davantage encore.
Il a constaté alors qu’il n’existait aucun sanctuaire dédié à la prière pour les morts. Il a commencé par fonder des groupes de prière dans toute la France, puis a eu l’idée d’un lieu de pèlerinage à Montligeon. C’est ainsi que le sanctuaire est né avec cette mission spécifique qui a rapidement dépassé la simple histoire de ce prêtre. Plus de cent ans après sa mort, nous poursuivons la mission et essayons d’être fidèles à l’intuition de l’abbé Paul Buguet.
Aujourd’hui, on compte désormais plus de 1300 groupes de prières pour les défunts partout dans le monde, dont environ 500 en France. »
A quoi cela sert-il de prier pour les âmes du purgatoire ? D’ailleurs, qu’est-ce qu’une âme du purgatoire ?
Don François-Régis Moreau : « En fait, nous ne savons pas très bien ce qu’il en est de nos défunts. Nous sommes dans l’espérance qu’ils sont auprès du Christ, auprès de Dieu, mais nous n’en avons pas la certitude. L’Eglise nous enseigne que le purgatoire est une étape de purification des âmes des défunts. Ils sont bien sûr sauvés et savent qu’ils seront admis auprès de Dieu, mais ils ne sont pas encore suffisamment purs pour voir le Seigneur et ont besoin de cette étape de purification. C’est pour cela que lorsqu’un de nos proches décède, nous prions pour son âme au purgatoire pour accélérer son admission au ciel. »
Comment savoir si une âme a quitté le purgatoire ?
Don François-Régis Moreau : « Nous ne pouvons pas le savoir, même si, exceptionnellement, nous pouvons avoir des signes qui ont, d’ailleurs, toujours besoin d’être discernés. Plus profondément, nous sommes invités à vivre dans la foi, qui nous donne la certitude objective de sa Parole – le Christ veut nous sauver – mais pas de certitude subjective que telle ou telle personne est auprès de Dieu.
Il nous faudrait réorienter notre prière pour entrer dans l’acceptation de cet abandon : je prie et dans la foi, j’espère que tel ou tel est auprès de Dieu.
Et puis, dans la communion des saints, si une personne est sauvée, notre prière profitera à une autre âme du purgatoire. Donc, prier pour les défunts est vraiment un acte de charité qui n’est jamais perdu. »
Nous ne savons pas toujours si le défunt croyait en Dieu. Quid de l’enfer ?
Don François-Régis Moreau : « L’enfer doit rester une possibilité pour garder vive la conscience que la vie est sérieuse. Le Cardinal Siry, qui était archevêque de Gênes, disait que nous mourons comme nous avons vécu. Notre vie donne donc une indication de ce qui pourra nous arriver par la suite. Mais cela n’est pas du déterminisme car nous pouvons toujours nous convertir au dernier moment. C’est notre espérance et la raison pour laquelle il nous faut prier avec ferveur pour le repos de l’âme des personnes que nous avons aimées. »
Vous dites que prier pour les morts est un acte de charité, mais on exprime bien d’autres choses quand on prie pour un défunt ?
Don François-Régis Moreau : « Lorsque nous prions pour des défunts que nous avons aimés, nous faisons œuvre de gratitude et de mémoire. C’est une manière de les remercier pour ce qu’ils nous ont donné pendant leur vie et de les garder « encore vivants » avec nous dans notre vie. C’est très important. Comme ils ne peuvent plus mériter eux-mêmes puisqu’ils sont passés dans la vie éternelle, nous pouvons mériter pour eux et agir par notre prière et nos actes de charité. Cela peut leur « servir » et leur « être utile ». Rester en relation avec eux, bien que la relation se joue différemment, peut nous aider à entrer dans l’espérance et à trouver la consolation. »
Le 1er novembre nos fêterons la Toussaint, mardi les défunts. Deux fêtes intimement liées mais différentes… Pouvez-vous nous aider à y voir plus clair ?
Don François-Régis Moreau : « Historiquement, la fête du premier novembre est liée à la dédicace de l’Église du Panthéon à Rome, l’Eglise Sainte Marie des Martyrs. Ce panthéon était un temple romain dédié à tous les dieux. Lorsqu’il a été transformé en église, le pape y a transféré toutes les reliques des martyres qui étaient dans les catacombes, situées alors hors des murailles de Rome, pour les protéger. Le premier novembre, il y a eu alors une grande cérémonie. Cette fête est devenue la fête de tous les saints, c’est-à-dire de tous ceux qui sont au ciel même sans avoir été canonisés par l’Eglise, ceux que le pape François a appelé « les saints de la porte d’à côté » qui ont vécu une vie donnée dans la discrétion.
Quant à la fête des défunts, elle apparait à l’abbaye de Cluny, au début du 11e siècle. Les moines décident, le 2 novembre, de prier pour tous les défunts de l’ordre bénédictin. Cette pratique s’est ensuite étendue à toute l’Eglise.
Puis, au moment du Concile Vatican II, s’est développée l’idée d’une communion des saints, des liens de charité en fait, au cœur de l’Eglise, qui est une bien sûr, mais qui se décline en trois états différents : l’Église de la terre ou l’Église militante, l’Église triomphante du ciel et l’Église souffrante du purgatoire. »
La Toussaint est aussi un jour particulier pour demander l’intercession de ceux qui sont auprès du Seigneur pour une intention de prière. Comment bien comprendre la prière d’intercession ?
Don François-Régis Moreau : « Il est important de redire que c’est le Christ et seulement Lui qui nous sauve. Prier les saints, c’est prier le Christ lui-même. Mais le Christ a voulu que nous ayons des intermédiaires, les saints, dont les itinéraires singuliers vont plus ou moins nous marquer, nous inspirer et nous aider à Lui adresser notre prière. »
Comment prier pour les âmes du purgatoire et pour les défunts ?
Don François-Régis Moreau : « Grâce à la prière de Notre-Dame de Montligeon notamment, mais il y a également différents rituels : celui des bénédictions à dire le jour de la Toussaint ou de la fête des défunts, mais aussi celui des funérailles.
Par ailleurs, entre le premier et le 8 novembre, si nous rendons visite à nos défunts au cimetière, que nous prions pour le Saint Père et respectons les conditions habituelles – confession et communion notamment – nous pourrons obtenir une indulgence plénière chaque jour. L’Eglise est assez large dans la distribution des grâces. »
Si on respecte les conditions demandées pour obtenir une indulgence plénière, est-elle automatique ?
Don François-Régis Moreau : « Dans les sacrements, par exemple le baptême, le fait de dire : « Je te baptise, au nom du père et du fils et du Saint Esprit » a pour effet que l’on reçoit la grâce du baptême. C’est vrai pour tous les sacrements. Mais pour les indulgences, c’est différent. Il s’agit d’un sacramental. Cela dépend de notre sainteté et de notre désir personnel. Pour que l’indulgence soit plénière, il faut que nous ayons vraiment un désir de conversion et de sainteté qui soit parfaitement achevé en nous. S’il nous reste quelque attachement au péché, l’indulgence ne sera pas plénière mais elle sera quand même partielle. Voilà pourquoi je conseille toujours aux fidèles de demander une indulgence juste après la confession, à un moment où leur cœur est tout entier tourné vers Dieu. »
Pouvez-vous nous parler des pèlerinages du ciel ?
Don François-Régis Moreau : « Tout au long du mois de novembre nous organisons en effet le pèlerinage du ciel : chaque samedi et chaque dimanche, nous avons des événements particuliers ponctués par la messe, la possibilité de se confesser, et des conférences avec de grands intervenants. Il y a toujours beaucoup de monde. »
Cela fait peu de temps que vous êtes en mission au sanctuaire de Montligeon. Qu’est-ce qui vous a le plus frappé ?
Don François-Régis Moreau : « Souvent, je rencontre des personnes qui se confessent régulièrement, mais il y a un ou deux événements très marquants de leur vie dont ils n’avaient jamais parlé. Et la grâce du lieu leur permet d’enfin les déposer devant le Seigneur et d’être libéré d’un fardeau. C’est très beau d’être témoin de ces conversions parfois très profondes que l’on aimerait crier sur les toits. Mais il faut être discret…
Et vous, quelle est votre expérience personnelle de la prière pour les défunts ?
Don François-Régis Moreau : « Oui, pour moi qui ai perdu mes deux parents qui n’étaient pas croyants, ainsi que des proches, la question est aussi très personnelle. Je n’ai vu aucun signe de conversion, avant leur départ, ni chez mon père ni chez ma mère. Je m’interroge donc beaucoup évidemment et c’est une source de motivation pour prier pour leur âme.
Et puis, j’ai été marqué par une phrase que l’on trouve dans l’ancien rituel des ordinations : il est écrit que le prêtre est ordonné autant pour les vivants que pour les défunts. C’est pour moi un encouragement à prier pour les défunts que j’ai aimés. »
















