Au nom de l’unité des chrétiens et en faveur de la paix au Moyen-Orient
Le pape Léon XIV est arrivé aujourd’hui en Turquie pour son premier voyage apostolique hors d’Italie depuis son élection en mai dernier. Il y restera jusqu’au 30 novembre avant de s’envoler pour le Liban où il restera jusqu’au 02 décembre.
En Turquie, le souverain pontife vient célébrer les 1700 ans du Concile de Nicée (aujourd’hui Iznik), un « retour aux sources de l’expression de la foi des premières générations chrétiennes pour en dire l’actualité et inviter à renouveler notre désir de l’unité entre les églises chrétiennes » selon Mgr Hugues de Woillemont, directeur général de L’Œuvre d’Orient et Vicaire général de l’Ordinariat des catholiques orientaux en France qui s’est dit « surpris et réjoui » du choix de Léon XIV de se rendre également au Liban : « un choix profondément cohérent qui dit déjà le style du pontificat. »
Le fait que le Pape consacre son premier voyage à la Turquie et au Liban vous a-t-il surpris ? Comment interpréter ce choix ?
Mgr Hugues de Woillemont : « Le pape François avait envisagé de se rendre à Nicée en Turquie, en revanche aller au Liban nous a surpris et profondément réjoui ! Comme l’a été l’élection même du pape Léon XIV. En réalité, ce choix est profondément cohérent : il dit déjà le style du pontificat.
En Turquie, le Pape se rend à Iznik pour célébrer les 1 700 ans du concile de Nicée, là où fut formulé le Credo que nous disons le dimanche à la messe. Le Saint Père revient aux sources de l’expression de la foi des premières générations chrétiennes pour en dire l’actualité et inviter à renouveler notre désir de l’unité entre les églises chrétiennes puisqu’il s’y rend avec le Patriarche œcuménique Bartholomée, primat de l’Église orthodoxe de Constantinople.
Quant au Liban, c’est un choix courageux : un pays en crise profonde, mais porteur d’un message unique de coexistence. Le Pape vient d’abord comme pèlerin de la paix et comme pasteur désireux de conforter la foi des croyants tout en portant un message à la société et aux dirigeants du pays : soyez engagés pour un Liban stable et qui offre des perspectives d’avenir.»
Que vous inspire le programme officiel du voyage ? Quels en sont les moments forts ?
Mgr de Woillemont : « Le programme articule trois axes majeurs : l’unité, le dialogue, la compassion.
En Turquie, les points marquants sont la grande rencontre œcuménique à Nicée, la rencontre avec le patriarche Bartholomée et la signature d’une déclaration commune ; la visite de la mosquée Bleue, geste fort de dialogue interreligieux ; la messe à Istanbul avec les communautés chrétiennes minoritaires dans le pays.
Au Liban, les moments forts incluent la prière sur la tombe de saint Charbel à Annaya ; la rencontre interreligieuse place des Martyrs ; la visite de l’hôpital psychiatrique des Franciscaines de la Croix, symbole de la crise sociale ; le recueillement au port de Beyrouth ; la grande messe sur le front de mer.
Ce voyage s’inscrit dans la continuité de Jean-Paul II, Benoît XVI et François, mais avec une tonalité nouvelle : commencer par Nicée et par le Liban signifie mettre l’unité de l’Eglise et la paix au Moyen-Orient au cœur de son pontificat.»
Y a-t-il dans ce voyage des éléments de rupture ?
Mgr de Woillemont : « Deux éléments frappent : c’est la première fois qu’un Pape consacre son tout premier voyage apostolique à deux pays marqués par la fragilité — une minorité chrétienne en Turquie, une crise systémique au Liban ; et c’est la première fois qu’un pape inscrit son pontificat sous le signe explicite du Concile de Nicée, affirmant que celui-ci reste une « boussole » pour cheminer vers l’unité visible des chrétiens.
Ce sont des gestes forts, profondément pastoraux et spirituels.»
Que vous inspirent les devises choisies : « Un seul Dieu, une seule foi, un seul baptême » et « Heureux les artisans de paix » ?
Mgr de Woillemont : « La devise pour la Turquie — tirée d’Éphésiens 4,5 — renvoie directement au concile de Nicée. Elle rappelle que le baptême fonde une communion entre nos églises encore séparées. C’est un message de courage et de fidélité adressé aux chrétiens de Turquie, si minoritaires.
Pour le Liban, la béatitude « Heureux les artisans de paix » est un appel direct : dans un pays marqué par les crises, la paix n’est pas seulement un horizon spirituel, mais un engagement quotidien. La paix ne vient pas seulement d’en haut : elle demande une participation de tous.»
Pouvez-vous rappeler les circonstances historiques du concile de Nicée ? Pourquoi a-t-il été convoqué ?
Mgr de Woillemont : « Le concile de Nicée (325) est convoqué par l’empereur Constantin pour répondre à une crise majeure : l’arianisme, qui remettait en cause la divinité du Christ. À peine sortie des persécutions, l’Église est alors menacée de division profonde.
Nicée réunit environ 300 évêques et affirme que le Fils est « de même nature » que le Père. C’est la première grande charte de l’unité chrétienne. Il s’agissait de trouver un fondement commun pour des Églises locales diverses dans un Empire en mutation.»
La rencontre œcuménique d’Iznik : un signal d’unité pour aujourd’hui ?
Mgr de Woillemont : « Oui, profondément. Se retrouver à Nicée — là où l’Église s’est unie autour du Credo — est un geste puissant : il signifie que l’unité reste possible, même si les différences demeurent. La portée symbolique de la prière commune est immense : puiser ensemble à la source pour avancer ensemble. »
La Turquie étant très peu chrétienne, ce voyage est-il un non-événement pour la société turque ? Et au Liban, le message du Pape peut-il avoir un impact ?
Mgr de Woillemont : « En Turquie, le voyage sera certainement discret pour la majorité de la population.
Mais pour les chrétiens, c’est un événement considérable : une confirmation de leur valeur, de leur mission, de leur présence — ce que certains appellent une « pastorale de présence ». Chaque visite du successeur de St Pierre reste un événement marquant pour l’ensemble du pays qui le reçoit. Le président Erdogan recevra le pape Léon XIV !
Au Liban, le Pape est attendu ! Son message de paix peut toucher les consciences, encourager les familles éprouvées et rappeler aux dirigeants leurs responsabilités. Le Pape vient encourager le Liban même si l’impact de sa visite dépendra des dynamiques politiques locales et régionales.
Dans bien des pays, la ferveur augmente quelques jours avant l’arrivée du saint père et l’ensemble des citoyens sont honorés de la visite de ce chef spirituel dont la parole et les actes sont attendus !»
Quel regard l’Œuvre d’Orient porte-t-elle sur ce voyage ?
Mgr de Woillemont : « Ce voyage touche au cœur même de notre mission. Née au Liban il y a bientôt 170 ans, l’Œuvre d’Orient accompagne les communautés chrétiennes de Turquie, du Liban et de l’ensemble du Moyen-Orient.
Le Pape vient soutenir des communautés fragiles, mettre en lumière des institutions sociales étouffées par la crise, encourager le vivre-ensemble, et rappeler que la paix est un choix qui se construit chaque jour.
C’est pour nous une grande joie et un encouragement fort à poursuivre notre engagement auprès des plus vulnérables. Notre équipe salariée permanente au Liban, ainsi que les volontaires envoyés par L’Œuvre d’Orient pour plusieurs mois sur le terrain, seront présents en Turquie et au Liban pour accueillir le Saint-Père !»











