Comment penser la place des parents dans nos établissements scolaires ? Nous déplorons souvent, soit l’absence des parents, soit leur attitude inappropriée et intrusive. Il est clair que la place des parents est souvent mal définie voire non définie dans le cadre de nos projets d’établissement. Or comme la nature a horreur du vide, le résultat est souvent celui cité ci-dessus qui consiste dans la démission et dans l’absence éducative, ou dans l’intrusion des parents dans le projet éducatif, pastoral et pédagogique.
À cela se conjugue un contexte sociétal et politique qui ne favorise pas la situation. L’état lui-même dessert la place des parents car il est lui-même, dans plusieurs situations, intrusif et s’introduit exagérément dans nos établissements. C’est encore le cas à cette rentrée scolaire avec l’enseignement obligatoire de l’affectivité et de la sexualité à l’école avec le programme EVARS. Bien souvent, il ne donne pas toute la place aux parents et se permet malheureusement de se substituer à eux.
Ainsi, il est pour ma part un salut et une vocation que de redonner aux parents leur juste place pour contredire une attitude et un discours bien souvent répétés de ministres qui se succèdent, à commencer par Vincent Peillon en 2012, qui martèlent un discours favorisant le retrait ou l’effacement des parents :
“le but de la morale laïque est de permettre à chaque élève de s’émanciper, car le point de départ de la laïcité c’est le respect absolu de la liberté de conscience. Pour donner la liberté du choix, il faut être capable d’arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel, pour après faire un choix”, précise-t-il.
Pourquoi ? et comment faire ?
Dans un 1° temps, je reprendrais volontiers des éléments du statut de l’Enseignement Catholique (Statuts de l’EC) et de la charte de confiance (Charte de confiance) pour ensuite vous proposer une expérience de »soirées éducatives » que j’ai pu mener, sur 3 des derniers établissements dont j’ai eu la charge.
Les trois premiers articles[1] des statuts de l’Enseignement Catholique soutiennent l’affirmation au droit à l’éducation en associant ce droit à la dignité de la personne, à sa vocation personnelle, et à l’accès à la vérité dans le cadre de l’amour.
L’éducation est un droit fondamental qui oriente la personne vers le bien et la vérité, tout en favorisant l’accomplissement du jeune.
Le 4° article nous intéresse particulièrement puisqu’il éveille fortement le lecteur sur la responsabilité et la place des parents : « La responsabilité éducative revient en premier lieu aux parents, de manière irremplaçable. Ils sont les premiers et principaux éducateurs de leurs enfants ; ils ont à favoriser leur « éducation totale, personnelle et sociale ».
Les parents sont donc les premiers responsables et la famille est la première cellule éducative. Il est donc important, et même prioritaire, d’interpeller les parents dans ce domaine pour réveiller chacun à sa propre responsabilité.
Si l’école, si des associations, si l’Etat doivent intervenir ou participer à la mission éducative, ils ne peuvent le faire que dans la coopération avec les parents. En aucun cas, une structure ne peut suppléer la présence des parents et encore moins profiter d’une situation de carence éducative et affective pour justifier son intervention. Dans des situations de difficulté, toutes les structures dont celles de l’école sont invitées à s’associer à la présence et à l’autorité des parents pour avancer dans l’accompagnement du jeune. S’associer ne signifie pas acquiescer en toutes choses et s’interdire de manifester les contradictions éducatives des parents, s’associer est toujours l’occasion de revenir sur le contrat qui lie les deux parties et qui les dirige vers un horizon commun qui est celui de l’accomplissement de la personne dans la vérité. S’associer c’est donc toujours renvoyer chaque partie engagée à sa responsabilité.
Si nous parlons de responsabilité éducative, il nous faut partager deux points essentiels :
- Un horizon commun
- Une autorité partagée
Alors que nous pensons urgente et primordiale la présence des parents dans l’éducation, il faut pouvoir, au moment de leur engagement contractuel, verbaliser cet engagement et l’écrire à la fois dans des conditions qui sont partagées et comprises de part et d’autre.
Où allons-nous ? Dans quelle direction ?
Quel chemin prenons-nous ? Quelles sont les conditions et les règles partagées pour avancer sur ce chemin ?
- L’horizon commun touche au type d’homme et femme que nous souhaitons construire : c’est la vision de l’homme et de la femme sous le regard de Dieu ou du moins sous le regard des grandes questions métaphysiques de l’existence.
- Le chemin, c’est l’ensemble des règles et poteaux indicateurs qui seront nécessaires à une bonne progression
Plus les choses sont claires quand elles sont partagées lors de plusieurs rencontres avec plusieurs personnes (ex : Chef d’établissement, responsable du collège ou du lycée, CPE, APEL…) et particulièrement lors de l’inscription, plus nous nous donnons les garanties de marcher ensemble dans la même direction avec des moyens communs. La relation des parents n’est pas uniquement la relation au chef d’établissement ou à son adjoint lors du rendez-vous d’inscription, elle est un engagement vis-à-vis d’une institution. Or, notre monde d’aujourd’hui souffre d’une crise institutionnelle qu’il nous faut de nouveau honorer et reconstruire, c’est pourquoi il est important de redonner à notre parole une dimension institutionnelle qu’elle a perdue.
Comment ? En manifestant auprès des parents que la parole éducative n’appartient pas à la personne qui la prononce mais qu’elle est répétée par d’autres de l’institution, qui, à leur manière et suivant leur fonction, disent la même chose. C’est l’intérêt et l’urgence que le projet éducatif et pastoral soit partagé et effectif pour toute la communauté éducative.
De plus, Les parents ont besoin d’être soutenus dans leur responsabilité éducative plus que jamais dans une situation difficile dans laquelle les défis sont nombreux. Bien souvent, je répète aux parents que je reçois : « Il est plus difficile d’éduquer aujourd’hui qu’il y a 15 ou 20 ans ». Tous acquissent volontiers à ce constat, c’est pourquoi je voudrai finir cet article sur mon expérience depuis 15 ans de « soirées éducatives ». Depuis 15 ans, plusieurs centaines de parents participent chaque année à ces soirées que j’ai eu la joie d’animer avec les trois intentions suivantes :
- Accompagner les parents à saisir et comprendre les défis éducatifs d’aujourd’hui
- Redonner force et courage aux parents qui sont vite découragés voire accablés par leur responsabilité
- Redire aux parents qu’ils sont les 1° éducateurs, mais qu’ils ne sont pas les seuls éducateurs de leurs enfants
Très vite, j’ai pu construire les rencontres sous forme de deux soirées d’une heure trente minutes avec une demi-heure de disponibilité à l’issue, pour des rencontres personnelles. Les deux soirées se ressemblent et reprennent les mêmes domaines, bien que la première soit davantage une réflexion sur les défis et la seconde une interrogation sur les moyens d’accompagnement du jeune pour chaque sujet.
J’aime à dire que l’acte éducatif n’est pas uniquement une affaire de recettes et de bonnes réponses, mais d’abord une capacité à se poser les bonnes questions pour chacun des enfants personnellement. Chaque famille est unique, et plus encore chaque enfant est unique, et nous avons davantage intérêt à se poser les bonnes questions qu’à trouver trop rapidement les bonnes réponses.
« La confiance en soi ne vient pas lorsque tu as toutes les réponses ; elle vient lorsque tu es prêt à faire face à toutes les questions. »
Les thèmes abordés sont les suivants :
- L’autorité
- Le monde virtuel
- L’intériorité
- La liberté
- Le rapport au temps
- La sexualité quand cela est possible
Je suis témoin combien ces rencontres ont été bénéfiques et ont contribué à établir une relation nouvelle avec les parents. Les parents sont en attente d’être écoutés mais bien plus d’être accompagnés dans une responsabilité de plus en plus difficile. Ces soirées et autres conférences ont contribué à redonner à chacun sa place et sa responsabilité. Elles ont sans nul doute contribué à défaire un certain nombre de conflits stériles et violents qui consistent uniquement à accuser l’autre comme bouc-émissaire. Redonner confiance aux parents perdus ou angoissés a été certainement le fruit le plus marquant de ces soirées. Bien plus, en redonnant confiance aux parents dans l’acte éducatif, nous contribuons à leur redonner confiance dans l’institution qu’est l’école. La confiance est le « nerf de la guerre », non !!! « le nerf de la paix » comme nous l’exprime la charte éducative de la confiance.
« C’est pour ces raisons qu’il nous est apparu essentiel de conforter le moment de la première entrevue et d’affermir les liens en proposant la signature d’une Charte éducative de confiance.
Les parents et les élèves ont à comprendre, dès le premier contact, l’état d’esprit dans lequel vit toute communauté éducative d’établissement. C’est essentiel pour qu’ils fassent eux-mêmes la démarche de rejoindre cette communauté[2]. »
[1] • Le droit à l’éducation
art. 1 La dignité de la personne humaine fonde pour tous les hommes un droit à l’éducation.
art. 2 L’éducation se conforme à la vocation personnelle et sociale des hommes en leur permettant de grandir dans l’amour et la vérité et, ainsi, d’accéder à « une vie pleine et libre, une vie digne de l’homme1 ».
art. 3 « Une éducation authentique a pour finalité la formation de la personne humaine ordonnée à sa fin suprême, en même temps qu’au bien des communautés dont l’homme est membre.2 » L’éducation appelle donc à servir la croissance de l’homme et la construction de la société.
[2] Charte éducative de la confiance, septembre 2015.