Fondée en 1968, la Communauté Sant’Egidio a créé des écoles pour aider les enfants pauvres, par une sorte de pédagogie de la paix à sortir de la marginalisation et de la violence. Elle a désiré témoigner des fruits de cette œuvre par un livre traduit en français par les éditions de l’Emmanuel. Extraits.
Extrait de la préface d’Andrea Riccardi
L’École de la paix est un monde à elle seule. Un monde d’enfants. Mais elle est également une réalité qui traverse de nombreux mondes. Ainsi, à travers les yeux des enfants des Écoles de la paix nous voyons et rencontrons les réalités les plus diverses. Mais il faut se placer de leur point de vue et accueillir leur regard. Ce livre est un voyage dans le monde des plus petits. Il parcourt une histoire commencée il y a désormais cinquante ans, dans les banlieues et dans les baraques romaines, véritables poches de tiers-monde. Là, lors des débuts de la Communauté de Sant’Egidio, un groupe de jeunes étudiants commença à lutter contre l’exclusion de l’école publique vécue par un trop grand nombre d’élèves, comme il savait et pouvait le faire. Je relis cette histoire avec passion, car j’étais l’un d’entre eux, il y a de nombreuses années. Aujourd’hui, je vois à travers ces pages comment cette histoire est devenue l’aventure vécue par tant de personnes, dans de nombreux pays du monde, avec des enfants qui vivent dans des situations les plus diverses, sur quatre continents. Une histoire qui mérite d’être racontée.
Évangile en périphérie
Grâce à l’étude animée dans les maisons, un lien fort se crée avec les « étudiants » – c’est ainsi qu’étaient nommés les jeunes de Sant’Egidio dans les faubourgs –, et ces enfants exclus deviennent presque des petits frères. Chaque enfant, peu à peu, commence à réaliser qu’il peut compter sur un ami plus âgé, comme point de référence. Et ainsi, toute la famille, qui se trouve souvent dans une situation difficile, se lie avec ce nouveau « parent » qui aide les enfants à étudier, qui connaît en profondeur leurs difficultés, qui comprend leurs peines et qui est un soutien pour tous. En outre, leurs visites dans les maisons ouvrent les étudiants bourgeois à un monde inconnu et les aident à en comprendre de nombreux aspects. Au sein des maisons, devant une tasse de café, les jeunes s’assoient à la table avec les enfants pour étudier, écoutent les mères s’épancher et les pères dire leurs difficultés, entre peines et soucis quotidiens.
Dans ce contexte humain, ils commencent à ressentir l’exigence d’apporter non seulement de l’aide pour les devoirs, mais également ce qu’ils ont de plus précieux : la beauté de la vie chrétienne vécue en communauté. Naissent ainsi, dans les années suivantes, les premiers noyaux de la Communauté de Sant’Egidio dans les périphéries de Rome. Un ouvrage, Vangelo in periferia (Évangile en périphérie), en retrace l’histoire :
La distance entre nous et ces personnes amies, le plus souvent des femmes adultes vivant en périphérie, nous semblait ne jamais devoir disparaître si nous ne cherchions pas à vivre ensemble le coeur de notre expérience commune : le fait que l’Évangile était et est devenu pour nous une bonne nouvelle, qui peut se vivre ; qui, en l’écoutant ensemble, peut aider à vivre de manière moins oppressante au milieu des contraintes sociales dans lesquelles nous sommes tous plongés. Dans ce monde, […] l’Église ne faisait pas vraiment partie du paysage. Au début des années 1970, après nous être enracinés dans les principaux faubourgs historiques romains, comme Primavalle, Acilia, Garbatella, il nous semblait ressentir dans de nombreuses familles un besoin qui n’était plus seulement celui d’avoir de « meilleurs services », mais celui, bien plus complexe, de vivre une vie différente. […] C’est alors que fut amorcé un virage, petit, décisif. Ne pas chercher à construire une communauté, ici en périphérie, parmi des personnes avec des histoires et des âges différents des nôtres, nous sembla être un renoncement et une trahison.
Il s’agit de communautés d’« adultes », terme qui sert à distinguer les nouveaux adhérents du noyau initial composé de jeunes. Le cardinal Carlo Maria Martini raconte ces premières années avec Sant’Egidio :
Un peu par hasard, je rencontrai certains de ses membres ; et ils m’expliquèrent, et, mieux encore, m’invitèrent à voir. C’est alors que je commençai à saisir, à apprécier cette synthèse : prendre au sérieux la Parole de Dieu et en même temps se consacrer de manière efficace, concrète, aux pauvres, étudier de manière attentive, avec discernement, la société et ses problèmes. Et comme pour moi, il en fut certainement ainsi pour de nombreux autres, soit qu’ils aient ensuite fait partie de la Communauté de Sant’Egidio, soit qu’ils en soient devenus amis sous de nombreuses et différentes formes. Cette simple expérience que j’ai pu faire il y a de nombreuses années, en me disant : « Ici on prie sérieusement, ici la Bible est prise au sérieux, ici les pauvres sont pris au sérieux », peut conduire encore à des chemins de dialogue, de compréhension mutuelle, d’attention portée à tous, et être encore une inspiration pour une société qui cherche avec difficulté de nouveaux points de référence.