« La maladie est mon autoroute vers le Seigneur ! »

Amandine trouve sa joie dans l’offrande et l’union au Christ

A 35 ans, Amandine vit sa maladie et tous les renoncements qu’elle suppose dans l’offrande et l’union au Christ. Une mission qui imprègne chaque instant de sa vie. Si la souffrance ne disparait pas, la jeune femme, membre de la Croix Glorieuse depuis 2020, témoigne d’une joie profonde et mystérieuse qui lui ouvre les portes de l’espérance. Avec Saint Paul, elle peut dire « c’est quand je suis faible, que je suis fort. » 2 Co, 12, 10.

Amandine

En 2011, on m’a diagnostiqué une maladie auto-immune qui touche les articulations et la peau. J’avais 20 ans, j’étais étudiante. Tous mes projets se sont effondrés parce que les premiers traitements me faisaient dormir 16 heures par jour. Comment vivre ça ?

Un prêtre que j’ai interrogé m’a dit que je pouvais déposer devant le Seigneur ce que je vivais pour des intentions particulières.

Sans très bien comprendre ce que je faisais, j’ai essayé. J’avais l’impression que ça ne changeait rien du tout mais je voyais bien que mon entourage était interpellé par ma joie de vivre.

L’exemple de la bienheureuse Chiara Luce, qui est morte à 18 ans d’un cancer des os et qui n’a gardé que son sourire et sa foi jusqu’au bout, m’a beaucoup inspirée dans les débuts de la maladie. Comme elle, je voulais être dans la confiance, en restant lumineuse. Elle m’a montré que le chemin des petits sacrifices n’était pas forcément triste. Et en même temps, elle ne niait pas souffrir ni avoir parfois besoin de temps pour accepter ce que la maladie lui imposait de traverser.

Je découvrais tout juste la Communauté de l’Emmanuel quand on m’a parlé pour la première fois de la Croix Glorieuse (qui rassemble les frères et sœurs souffrants qui décident d’offrir leurs souffrances pour la fécondité des missions de la Communauté.) N’ayant pas bien compris cette mission, ma crainte était qu’en rejoignant la Croix Glorieuse, on ne m’appelle plus pour d’autre mission. Or, à ce moment-là, j’étais en service jeune, entre autre l’organisation du Winter Forum des Jeunes en Belgique. Ayant moins de force et la fatigue étant de plus en plus forte, j’avais l’impression de ne servir à rien. Mais les frères m’ont rassurée en me disant que je faisais toujours partie de l’équipe et que ma mission était dorénavant de prier pour le Forum.

« Dans le mystère de la Croix, je puise la force de continuer à vivre. »

J’ai vécu un moment clé en 2019 quand un médicament m’a causé de graves effets secondaires respiratoires. C’est à partir de ce moment-là que pour moi le lien entre l’offrande et la croix a été beaucoup plus fort. Cette croix m’attirait même visuellement. A la messe, je n’arrivais pas à détacher mes yeux de la Croix, sentant que c’était là que je pouvais tout déposer pour  y puiser, en même temps que dans l’eucharistie, la force de continuer à vivre – parce que je me battais pour vivre.

J’ai compris que je ne devais pas choisir dans ce que j’offrais au Seigneur mais qu’il fallait que je parvienne à tout lui abandonner, même ce que j’avais l’impression de réussir par moi-même. Non seulement cela m’aide à entrer dans l’action de grâce et la louange mais cela a aussi changé ma vision de l’offrande et de l’union à la Croix en me faisant découvrir une joie plus profonde , qui peut se réduire à une petite étincelle dans les moments compliqués mais qui ne disparait jamais.

Parfois, les temps de prière et d’adoration sont extrêmement difficiles car le silence décuple la douleur qui peut devenir insupportable. Ces jours-là, c’est dans les larmes que je donne mon oui au Seigneur. Une force qui ne vient pas de moi me permet alors de continuer à vivre et à sourire. J’aime bien ce qu’écrit Paul Claudel à ce sujet : « Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance. Il n’est même pas venu l’expliquer, mais Il est venu la remplir de Sa présence. » Oui, je sais que le Seigneur est avec moi tout le temps et qu’Il m’aime. Jésus est mon Simon de Cyrène. Je ne suis pas seule pour porter mon fardeau. C’est cela l’espérance : savoir que l’on est toujours dans la main de Dieu qui choisit les faibles et les fous que le monde rejette : « Au contraire, ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion, ce qui est fort. » 1 Co, 1, 27

« En mission partout dans le monde sans sortir de chez moi ! »

Plusieurs fois, des frères et sœurs de l’Emmanuel m’ont reparlé de la Croix Glorieuse. Après un week-end avec la Communauté où le sujet avait été abordé, j’ai compris que je vivais déjà cet appel à offrir mes souffrances pour des intentions particulières. J’ai rejoint la Croix Glorieuse en 2020.

Pourtant, renoncer à partir en mission comme les autres jeunes de mon âge restait difficile pour moi. Mais petit à petit, à travers les intentions pour la Communauté que l’on me confiait, j’ai pris conscience, comme un gros clin d’œil du Seigneur, qu’Il m’envoyait en mission partout dans le monde sans sortir de chez moi. J’ai pu en faire l’expérience de manière très forte lorsqu’on m’a demandé de prier pour la session locale que la Communauté de l’Emmanuel belge organise à Beauraing l’été. J’étais tout autant dans l’organisation que si j’avais été dans « le faire. » J’ai découvert que j’avais une place à part entière dans la mission même si je ne pouvais plus faire « comme avant » ou « comme les autres. »

Mon regard sur la mission a changé. Aujourd’hui, être en mission consiste à m’unir au Seigneur en lui offrant chaque petite chose de ma vie de tous les jours, que ce soit dans la souffrance ou dans la joie pour permettre au Seigneur d’agir là où il veut agir. 

Je ne vois pas toujours que ce que j’offre au Seigneur porte du fruit mais je trouve cela aussi important, pour que mon offrande reste gratuite. Je vois toutefois certains fruits, à travers la joie profonde que je vis mais aussi à travers les retours des frères et sœurs pour qui j’ai prié. Bien sûr, c’est le Seigneur qui agit, mais Il a besoin de ma collaboration. Je suis très touchée par cette parole très paradoxale de Saint Paul dans la 2ème épître aux Corinthiens – « C’est quand je suis faible que je suis fort. » 2 Co, 12-10 – dont je fais souvent l’expérience. Cette année, j’ai passé 8 semaines en béquilles et mes collègues étaient étonnés de mon sourire et de ma joie.

« Je peux prendre le risque de tout lui abandonner. Il est là et j’ai confiance ! »

Sur ce chemin d’union au Christ, il y a des hauts et des bas, des moments de doute et de découragement. Parce que la souffrance ne disparaît pas. Offrir n’est pas une formule magique mais me permet d’entrer dans le mystère de la Croix d’où jaillit cette joie qui n’est pas ordinaire.

Je dis souvent que la maladie a été mon autoroute vers le Seigneur. Et si je ne souhaite à personne d’être malade ou de souffrir, je peux dire qu’il y a des pas que je n’aurais jamais fait aussi vite sans la maladie et les différentes épreuves rencontrées. Jésus me donne les armes nécessaires pour les combats que j’ai à mener.

Parfois, lorsque je ne l’ai pas encore accepté, je n’arrive pas à offrir ce que je suis en train de vivre. J’offre alors au Seigneur mon incapacité à offrir.

Rien n’est jamais acquis – je continue de douter, d’avoir peur, d’être parfois en colère – et tout est à recommencer chaque jour. J’ai pourtant la certitude que le Seigneur ne me trahira pas, que je peux prendre le risque de tout lui abandonner. Il est là et j’ai confiance !

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