Alain et Marie-Christine : “Je suis arrivé à Bondy la peur au ventre”

Alain et Marie Christine Froment ont passé plusieurs années à Bondy, dans une antenne du Rocher. Habitants près de Nîmes ils n'imaginaient pas une seconde rejoindre ce monde des banlieues qui leur faisait très peur. A l'appel de la Communauté, ils ont décidé de quitter leur mas dans le Gard pour vivre quatre ans en cité.

Alain et Marie Christine découvrent la communauté il y a 25 ans, alors qu’ils sont expatriés à Singapour. Invités à Paray-le-Monial, ils reçoivent, chacun à leur façon, une Effusion de l’Esprit. De retour en Asie, ils se sentent orphelins et ressentent un grand appel à entrer dans la communauté, c’est le début d’un véritable changement de vie. 

 

Ils font la connaissance du Rocher il y a 18 ans en accompagnant pour la communauté le démarrage des deux antennes de Toulon et de Marseille, mais à l’époque précise Alain : “Je ne me sentais pas du tout touché par les cités”. De son côté Marie Christine raconte : “Avec du recul, je vois que le Seigneur m’a préparée : j’avais très peur des cités. Dans notre ville de Nîmes, cela devenait de plus en plus pénible pour moi de croiser des personnes d’origine maghrébine. Je me sentais agressée par leur manière de parler. Je ne savais plus comment me comporter avec elles, et je me disais que j’avais beaucoup de mal à les aimer. Avec Alain, nous avons donc décidé de suivre une formation sur l’islam. Cela nous a beaucoup appris mais ne nous aidait pas à ouvrir notre cœur.”

C’est en fin de mission au Chili qu’on appelle Alain pour lui proposer de devenir Président du Rocher. 

“Cette proposition nous a beaucoup chamboulée, témoigne Marie Christine, je l’ai vraiment vue comme une réponse à mes questions”.

 

Alain poursuit : “Spontanément, j’aurais pu voir cette demande comme une erreur de casting mais je savais que des frères avaient prié avant qu’on nous appelle. Nous nous sommes rappelés un enseignement d’Yves Le Saux à propos du service dans lequel il disait : “quand on me demande un service, est ce que j’ai une raison objective de dire non ? ” “Nous avons donc cherché pendant 3 mois une raison objective de dire non et, n’en n’ayant pas trouvée, nous avons dit “oui”. 

 

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“A notre arrivée à Bondy, je n’osais pas traverser la rue pour aller à la poste, en face de chez nous”, se souvient Alain. De son côté, Marie Christine se remémore sa première sortie au marché : “j’avais une peur énorme. Je me tenais devant l’entrée, et à ma droite, il y avait une musulmane voilée. Me jetant à l’eau je lui ai dit: c’est la première fois que je viens, j’ai un peu peur. La femme m’a répondu : je n’ai pas le temps aujourd’hui mais bientôt, je vais revenir et vous guider. C’est ce qu’elle a fait quelques jours plus tard: Fatima m’a prise par le bras, m’a fait faire le tour du marché. Et, comme j’avais oublié mon porte-monnaie, elle m’a offert mes fruits et légumes. Cela m’a profondément touchée car je me disais que j’étais venue pour donner et je commençais par recevoir. Rapidement, nous avons été émerveillés par les personnes rencontrées, il y avait une vraie joie à voir les relations s’approfondir, à se découvrir en allant au-delà de nos différences, qui d’un obstacle nous sont apparus très vite comme des richesses. “Chacun a une part de vérité en soi…” disait Saint Jean Paul II. Dans la cité, même les dealers nous appelaient Papi et Mamie”.

 

“De mon côté, témoigne Alain, j’avais décidé de dire bonjour à toutes les personnes que je croisais. Il y avait un homme qui ne répondait jamais à mes salutations. Un jour je me suis approché de lui, et j’ai découvert qu’il ne me répondait pas car il était mal voyant. J’ai pris conscience que je n’avais pas à juger les personnes. Il est devenu un grand ami.

 

Quelques temps avant notre arrivée à Bondy, on a détecté une récidive de cancer chez Marie-Christine. Rapidement, les gens de la cité l’ont su et se sont inquiétés d’elle, prenant des nouvelles après chaque examen. Ils disaient: “toi aussi tu as des soucis, je peux te parler des miens.” ça nous a vraiment rapprochés. Quand Marie Christine revenait d’une hospitalisation, les dealers, qui faisaient le guet, se précipitaient pour l’aider à porter sa valise.” 

 

Marie Christine ajoute: “les bénévoles disent que le Rocher c’est une famille, je suis touchée car c’est vraiment la vie de famille, il n’y a pas de barrière, le lien est très facile. Si on avait besoin de partir pour vivre du temps avec nos enfants et petits-enfants, une heure après notre retour, c’est comme si nous n’étions jamais partis. Cette expérience n’a pas été un obstacle pour nos enfants et petits-enfants.”

 

Alain ajoute: “On connaît la cité par les médias qui nous parlent des dealers, du trafic, des meurtres mais on ne parle jamais de la richesse de la cité. A Bondy, il y a 93 nationalités différentes. Le Rocher nous a ouvert à la compassion, à la beauté qu’il y a en chacun. Quand nous avons quitté Bondy, nous avions deux sentiments : la tristesse de laisser cette grande famille qui nous a été donnée par le Seigneur et la joie de savoir que nous avions des amis pour la vie ! Cette expérience nous a profondément ouvert le cœur.

 

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A notre retour à Nîmes, nous découvrons qu’une personne squatte avec ses chiens, devant notre portail. Nous sommes allés à la rencontre de cette femme, Vanessa. Plusieurs fois elle nous a rendu service. Nous l’avons embauchée pour nous aider puis nous lui avons proposé de venir à Paray. Elle continue à suivre son beau chemin dans la Foi et dans quelques semaines, elle va recevoir l’Eucharistie pour la 1ère fois. 

 

Il m’est arrivé aussi de parler avec un jeune drogué jusqu’à tard dans la nuit, le lendemain, à 6h du matin, il était debout, prêt à partir pour un stage de réinsertion qu’il a fait pendant 3 mois. C’est beau de voir des jeunes qui s’en sortent parce qu’on est avec eux ! C’est important de leur montrer qu’ils valent mieux que le fric et la drogue. Combien de ces jeunes n’ont jamais vu leur père travailler ! Il est beau de les voir découvrir la dignité du travail ! Au Rocher nous sommes des petites pierres qui finissent par bâtir des ponts !”

 

Marie Christine ajoute : “devant cet abîme de souffrance, nous sommes émerveillés par ce qu’on a reçu, de cette joie qui nous habite et au-delà de tout, cette immense Espérance. Vraiment on ne peut que dire, avec la devise du Rocher : Osez la Rencontre, choisissez l’Espérance”

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