Jean-Pierre et Marie-Paule, l’audace de la rencontre

Jean-Pierre et Marie-Paule ont 69 et 72 ans, retraités tous les deux, grands-parents de 10 petits-enfants, ils sont depuis un an en mission à l’antenne du Rocher de Sainte-Musse à Toulon. Ils nous racontent leur mission.2

Comment avez-vous reçu cet appel à la mission ?

Jean-Pierre : Nous avons tout simplement d’abord répondu à l’invitation de nos responsables de secteur qui ont proposé à tous les frères de donner une journée par semaine à l’antenne du Rocher de la Beaucaire. Nous étions à la retraite et pendant presque 3 ans, nous sommes allés à la Beaucaire tous les jeudis.

Marie-Paule : Je faisais des visites à domicile et j’étais en contact avec les femmes au « café des femmes » et Jean-Pierre faisait du bricolage et s’occupait de l’entretien de l’antenne.

Jean-Pierre : A cette époque l’antenne de la Beaucaire cherchait un couple. Jean-François Morin, alors directeur du Rocher, m’a demandé si j’étais prêt à habiter en cité, à l’antenne. Je lui avais répondu que donner du temps ponctuellement était suffisant. Ancien gendarme, je connaissais beaucoup de monde à la Beaucaire… plutôt pour leur avoir couru derrière ! Je n’étais pas vraiment dans l’esprit du Rocher : je m’imaginais plutôt régler les comptes de la cité, façon sniper.

Marie-Paule : De mon côté je voulais faire cette expérience depuis le début. Peut-être un peu par curiosité.

Jean-Pierre : Quelques temps après, comme un autre couple avait accepté de venir vivre à la Beaucaire, j’ai proposé que nous allions plutôt servir sur l’autre antenne de Toulon, à Sainte-Musse, où notre sœur Sandra Commins, n’était soutenue par aucun couple.
L’antenne de Sainte-Musse est en bordure de la cité ce qui m’a vraiment apaisé. Sandra m’a proposé de l’aider en faisant la comptabilité et en prenant en charge la partie pratique, l’entretien de l’antenne. Au bout de deux ans, j’ai reçu un appel d’Arnaud de Carmantrand, nouveau directeur du Rocher, qui me proposait une nouvelle fois de venir habiter en cité. De nouveau j’ai répondu que je n’étais pas prêt.

L’année suivante, l’adjointe de Sandra a quitté son appartement dans la cité de Sainte-Musse qui devenait donc disponible. Sandra a demandé à des volontaires d’y faire quelques travaux, ce qui m’a permis, petit à petit de rentrer dans la cité. Quelques mois après, je suis allé inspecter une dernière fois les travaux qui s’achevaient. Au moment où j’ai poussé la porte de l’appartement, toutes les barrières que j’avais mises contre cette mission, tout ce qui justifiait ma non-disponibilité est tombé : « C’est là où je dois être ! ». Mon cœur a été complètement transformé.

Marie-Paule : Et la semaine d’après on y était !
Nos enfants ont eu du mal à comprendre notre mission, ils avaient peur pour nous. Drogue, trafic d’arme… Nous leur avons expliqué que nous n’étions pas dans la cité en notre nom propre mais au nom du Rocher ce qui nous permet d’être en lien avec tout le monde. Et puis on vit au cœur de la cité. Ils sont un peu plus rassurés et on sait même que certains prient pour le Rocher !
Un jour peut-être, ils viendront nous voir dans la cité ! Et peut-être aussi aurons-nous la joie d’accueillir notre maisonnée !a

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En quoi consiste votre mission ?

Marie-Paule : Quand on me demande ce que je fais au Rocher je réponds « Je ne fais rien ! » ce qui surprend un peu.
On est toujours dans le faire, mais au fond dans cette mission ce qui nous est demandé c’est d’être présent, présent à la rencontre. Donc on parle avec les gens. Et puis moi j’aime bien les faire rire. Je me suis rendue compte que les femmes avaient besoin de rire alors je fais le clown, ça leur fait du bien.

Jean-Pierre : Cette mission c’est un temps gratuit. On est disponible aux personnes. On n’a pas d’horaires.
Nos journées sont d’abord communautaires : on commence toujours par la louange, l’adoration, et la messe. Ensuite il y a le travail en antenne. Nous ne sommes ni volontaires ni salariés, mais nous faisons partie intégrante de l’équipe.

Marie-Paule : Nous sommes en mission avec des jeunes, c’est génial et ça nous pousse !

Jean-Pierre : Les jeunes volontaires qui sont avec nous s’occupent de la préparation des activités. A 16h30 ils vont chercher les enfants pour l’aide aux devoirs jusqu’à 19h.
Pour les adultes, nous sommes là pour répondre à la demande. On n’impose rien, on ne propose rien mais on est attentif aux demandes.

Marie-Paule : On va aussi visiter les habitants de la cité chez eux, certains sont malades, isolés, d’autant qu’ils ne parlent pas aux voisins et se méfient facilement les uns des autres. On essaie d’être un lien de fraternité.

Jean-Pierre : On fait des ponts entre chaque personne parce qu’on s’est aperçu que dans la cité les gens étaient très indépendants et avaient du mal à se mélanger.

Certains frères autour de nous ont peur de se rendre disponibles pour la mission et veulent continuer à s’occuper de leur famille. Nous, on expérimente que dès l’instant où l’on a dit oui au Seigneur, tout s’arrange ! Notre mission est vraiment sur-mesure : nous travaillons 3 jours par semaine, les mercredi, jeudi et vendredi, mais cela reste très souple. Nous pouvons libérer pour nos petits-enfants quand c’est nécessaire.

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Quelles sont vos joies ? Vos combats ?

Jean-Pierre : Il y a une phrase qui guide ma vie depuis toujours : « Donner sa vie pour celui qu’on aime ». Dans mon travail de gendarme je préférais m’occuper des prostituées et des mendiants que des cols blancs. En vivant en cité je suis avec les plus pauvres et je suis comblé.

Marie-Paule : Je ne regrette rien du tout. Certains jours c’est plus difficile de se lever, mais quelle joie de se donner ! Toutes les rencontres que nous faisons nous mettent dans la gratitude. Cela nous ouvre les yeux et le cœur.
Je suis devenue vraiment amie avec 2 musulmanes, je ne l’aurais jamais pensé car j’avais une petite réserve vis-à-vis des musulmans, et je ne les aurais jamais rencontrées si je n’étais pas venue m’installer en cité.
La petite difficulté pour moi c’est de ne pas pouvoir en faire plus, surtout à cause de mon âge. De ne pas pouvoir me rendre disponible 7 jours sur 7 !

Jean-Pierre : Après la grande difficulté à dire oui, il faut maintenant me freiner ! J’ai du mal à m’arrêter, à quitter l’antenne et oublie parfois de rentrer pour les repas, pris par les différentes tâches.

Marie-Paule : Vivre et faire des choses ensemble aussi, en couple, ça c’est un vrai cadeau, ça nous rapproche, ça nous fait grandir. Tant de couples s’éloignent l’un de l’autre avec la retraite.

 

Quels fruits voyez-vous ?

Jean-Pierre : Le fait d’être avec les gens de la cité, de vivre comme eux, les mêmes difficultés, je suis comme un poisson dans l’eau. Nous avons absolument tout, nous ne manquons de rien ! Nous n’avons aucun souci matériel mais cela nous dépouille. Mon regard sur les autres a changé. J’avais du mal à les accepter, à les voir tels qu’ils étaient. Aujourd’hui j’ai des relations avec des musulmans, simplement parce que je suis en contact avec eux, que j’ai aidé à faire des travaux chez eux, que nous nous appelons. Cela me semblait inimaginable il y a encore quelques années.

Marie-Paule : Cette mission dépouille à 100%, ça t’ouvre le cœur ! Pour moi, le Rocher c’est le purgatoire du ciel car on se purifie dans l’amour, par la rencontre, l’accueil de l’autre.
Je jugeais beaucoup sur les apparences les gens qui étaient différents de moi. Moi, j’étais dans “ma vérité”, l’autosuffisance, l’égoïsme stérile, et là je me rends compte que l’autre est un mystère, je découvre sans cesse en lui des choses nouvelles, magnifiques. J’ai appris énormément. Le monde est comme une mosaïque, nous sommes tous tellement différents et nous formons quelque chose de beau.

Vraiment c’est extraordinaire comme mission. Je n’ai plus peur d’aller vers l’autre. Je le voyais comme un ennemi, ou un rival, qui risquait de me faire du mal. Maintenant il n’y a plus de barrière. Je parle et dis spontanément bonjour dans la rue.
« Oser la rencontre » voilà ce que j’aime au Rocher.

Jean-Pierre : Vraiment n’ayez pas peur ! Jésus prépare la mission pour nous. Il faut le vivre pour le comprendre !

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