Interview exclusive de Valérie Regnier, responsable France de la Communauté Sant’Egidio
A l’approche du deuxième anniversaire du pontificat, les Editions de l’Emmanuel publient Comprendre le pape François, un livre du fondateur de la Communauté Sant’Egidio, Andrea Riccardi. Ainsi, le jeudi 5 mars, elles proposent deux rencontres* avec l’auteur. D’abord au Jeudi de la Procure pour répondre aux questions de François Maillot, puis au Collège des Bernardins pour une table ronde animée par Jean-Pierre Denis (Directeur de La Vie) avec Alexandre Adler (historien et essayiste), Michel Santier (évêque de Créteil) et Bernadette Sauvaget (journaliste à Libération). A cette occasion, nous avons voulu interroger un responsable de cette communauté au service des pauvres.
> Les Editions de l’Emmanuel publient une traduction française du livre Comprendre le pape François de votre fondateur, Andrea Riccardi. Pourquoi cette publication est importante, selon vous ?
Valérie Regnier : Cette publication est importante pour le public français car elle concerne le pape, or voici deux ans qu’il a été élu, et il interroge énormément ! Le titre « Comprendre le pape François » répond ainsi à cette large demande du public français. L’auteur est chrétien, historien, romain. A ce titre il connaît bien le pape, c’est même un « ami » : il connaissait bien le cardinal Bergolio. D’ailleurs, notre communauté est présente depuis longtemps à Buenos Aires, et là-bas il était très en phase avec nous, il participait à nos actions. Ce livre – qui parle beaucoup du cardinal – est donc une histoire qui se prolonge !
> Qu’est-ce qui vous a particulièrement touchée dans les paroles ou les gestes du pape, depuis le début de son pontificat ?
Valérie Regnier : Nous avons un pape très « visuel », c’est un pape du geste, ce qui correspond bien au besoin de notre époque. Son premier déplacement en temps que chef d’Etat européen a été d’aller réconforter les migrants à Lampedusa. Sans l’avoir voulu, il était déjà à contre-courant du continent européen vis-à-vis de ces peuples fuyant la misère et souffrant d’abandon. De même il est allé en Albanie, pays le plus pauvre d’Europe, et il compte aussi aller à Sarajevo… Récemment, place Saint-Pierre, une personne sans abri est décédée : elle a été enterrée au milieu des papes ! Ainsi le pape nous montre que son pontificat est orienté vers les pauvres, que pour lui, aimer le pauvre, c’est une conséquence directe de la foi.
> La Communauté Sant’Egidio cherche à mettre en pratique l’Evangile auprès des plus pauvres. Comment, nous, chrétiens, membres de communautés, pouvons-nous combattre la pauvreté, là où nous sommes ?
Valérie Regnier : Chez les jeunes, nous voyons depuis deux ans de vraies interrogations au sujet des pauvres. Nous leurs disons : « aime un pauvre, au moins un, et tu reconnaîtras Jésus ». Aimer un pauvre, c’est aimer Jésus. D’ailleurs, notre communauté s’appuie beaucoup sur Matthieu 25 : « j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! ». C’est inscrit dans nos gènes depuis 1968, quand nous avons commencé à prier et aller voir les pauvres. N’oublions pas non plus l’esprit d’Assise, quand, en 1987, Jean-Paul II nous a tous exhortés à prier pour la paix !
Bien sûr, nous n’avons pas le monopole des pauvres, mais c’est mieux de les aimer ensemble, en communauté. Le pape lui-même nous y a encouragé lorsqu’il est venu nous rendre visite dans notre maison Santa Maria de Rome, le 15 juin dernier, en énonçant cette règle des « 3 P » : Prière, Pauvres, Paix. La Prière nous conduit en effet à nous rendre compte de la misère, pour que nous consolions les Pauvres. Ce faisant, c’est la Paix qui se construit ! Et nul besoin d’être un pays en guerre pour s’occuper des pauvres…
> Comment peut-on aimer les pauvres ?
Valérie Regnier : Ce n’est pas d’aller vers eux avec des solutions toutes faites : non, ils ont besoin, simplement, de nos coeurs, de nos mains, de notre amitié. L’amour pour l’autre tel qu’il est, de celui qui a besoin du matériel, nous fait grandir dans le spirituel. Et pour lui, outre la proposition de la foi, l’amitié qu’on lui donne peut être un nouveau point de départ pour repartir dans une vie nouvelle. En te souciant d’un pauvre – que ce soit une personne seule ou dans le besoin, un jeune livré à lui-même, etc. – tu te rends compte un jour qu’il se soucie aussi de toi, et c’est cela qui est beau : au travers d’un pauvre, tu apprends, tu te convertis et tu n’as plus d’autres choix que de te donner à eux encore et toujours !
(*) 8h-19h 3 rue de Mézières Paris 6e puis 20h au collège des Bernardins (inscriptions : communautedesantegidio (a) gmail.com).