Trois jours de jubilation à Kigali ! (3/3)

Du vendredi 18 au dimanche 20 septembre 2015, trois jours de fête pour la Communauté de l’Emmanuel autour de 2 événements exceptionnels : l’ouverture de la cause de canonisation de Cyprien Rugamba et Daphrose Mukasanga, fondateur de la Communauté de l’Emmanuel au Rwanda, puis le Jubilé des 25 ans de la Communauté au Rwanda ! Pierre-François et Christine Graffin, Délégués du Modérateur pour la zone Afrique, étaient présents : Christine donne ci-dessous son témoignage.

Retour sur les débuts de la Communauté au Rwanda

Rwanda

Ayant eu la chance de participer à la délégation internationale présente à Kigali nous avons d’abord été très touchés par les fruits du désir de sainteté de Cyprien et Daphrose et de leur engagement au service du Christ et des autres. On touche littéralement ces fruits en voyant comment les frères et sœurs ont été marqués par leur exemple et en vivent encore aujourd’hui. Et on peut alors voir l’œuvre qui s’est faite à travers eux.

La conversion de Cyprien

Cyprien était un intellectuel connu et reconnu ; spécialiste de la culture de son pays, artiste célèbre (compositeur, chanteur, chorégraphe), il a produit une œuvre très abondante qui fait aujourd’hui partie du patrimoine du pays. Elevé dans une culture chrétienne, il perd la foi au cours de ses études. En1965, il épouse Daphrose, femme très croyante, un peu plus jeune que lui. Ils connaissent pendant 17 ans, une vie de couple très difficile, au cours de laquelle Cyprien fait beaucoup souffrir sa femme. Ce fût très dur pour elle mais Daphrose, pas découragée, ne cesse de prier pour son mari et pour sa conversion pendant toutes ces années.

En 1982, après une maladie bizarre, non identifiée qui l’a beaucoup affaibli, beaucoup humilié et dont il est délivré de manière inexpliquée (par grâce…) il vit une conversion brutale. Cela entraine un changement radical dans tous les domaines de sa vie, et particulièrement sa vie de couple. L’amour disparu est complètement renouvelé, ressuscité et ils deviennent un couple extrêmement uni, très complémentaire et surtout très rayonnant.

Le changement est tellement visible que beaucoup en sont profondément touchés ; lui qui était un homme arrogant et inaccessible est devenu simple, et accueillant, ouvert à tous et qui se laisse approcher. Les frères et sœurs qui les ont connus soulignent sans cesse leur disponibilité, leur attention et leur délicatesse pour chacun ; des plus importants aux plus humbles.

Ils prennent l’habitude de tout confier au Seigneur et de s’émerveiller sans cesse de ce qu’il donne. « Le Seigneur est merveilleux » répétait sans cesse Cyprien. Il cherchait toujours dans n’importe quelle situation, à voir le bon côté, l’ouverture pour avancer.

Cyprien et Daphrose RugambaLes débuts de la Communauté

En 1989 au cours d’un voyage en France ils font la découverte de Paray, de la communauté et de la Fraternité de Jésus. C’est un choc pour eux. Ils reviennent et forment avec deux autres personnes dont une volontaire Fidesco (Annick Bescond) une petite maisonnée mais la communauté n’existe pas encore. Ils hésitent à se lancer dans l’aventure mais finalement une parole reçue dans leur prière les encourage : « Sois fort et tiens bon, ne tremble pas… va agis, agis et que Dieu soit avec toi! » (1Chr 22, 13-16). Du coup, après approbation du conseil de l’époque, ils organisent le 1er WE CO les 22 et 23 septembre 1990.

Cyprien et Daphrose vont alors mettre toute leur énergie à bâtir la communauté. Elle nait rapidement dans d’autres coins du pays. Ils veillent à ce que ce soit vraiment la communauté qu’elle vive vraiment et en profondeur de toutes ses grâces. Leur désir de sainteté est communicatif ; ils sont très exigeants et spécialement attentifs à la communion fraternelle.

C’est d’autant plus important que le pays vit à cette époque, un contexte particulièrement difficile, de tensions ethniques très vives et très graves entre tutsis et hutus. C’est aussi l’époque, où la vierge apparaît à Kibeho, appelant le Rwanda à la conversion. Dans une certaine indifférence, mais pas celle de Cyprien et Daphrose.

Il est très frappant de voir combien le début de la communauté se mêle étroitement à l’histoire du pays, au déclenchement des violences qui déboucheront 4 ans plus tard sur un génocide particulièrement horrible, mais aussi aux apparitions.

La communauté est le seul lieu qui rassemblait des membres des différentes ethnies dans une fraternité vécue autour du Christ. Cyprien et Daphrose insistaient sans cesse là dessus et sur la compassion envers tous. Ils ont lancé entre autres, un centre d’enfants des rues qui existe toujours.

Cyprien qui était écouté dans le monde politique essaye de peser pour faire taire les appels au meurtre diffusés à la radio, pour faire disparaître la mention des ethnies sur les cartes d’identité etc… en vain.

Ils ont énormément travaillé à consolider la communauté dans les premières années et heureusement car par leur engagement pour la paix ils avaient été placés en haut d’une liste de gens à faire disparaitre. Et le 7 avril 1994, premier jour du génocide ils sont assassinés avec 6 de leurs 10 enfants. Alors qu’ils priaient devant le St Sacrement.

La communauté est alors dispersée. Un certain nombre de frères et sœurs sont tués. D’autres ont dû fuir dans les pays voisins ou ailleurs. Commence alors au Rwanda, un temps de souffrances terribles pour tout le monde. Mais les frères et sœurs, partout où ils se trouvaient, même dans les conditions les plus difficiles ont cherché à vivre et à partager ce qu’ils avaient découvert.

Depuis la communauté n’a cessé de grandir et vit toujours de cet élan. Elle compte aujourd’hui 1000 membres. Il y a eu 96 engagements l’an dernier, et plus d’une centaine cette année. Avec des lettres bouleversantes provenant de tous les âges, toutes les conditions sociales, les frères et sœurs expriment de manière très belle leur attachement à la Communauté et leur profond désir de sainteté.

Présente dans presque tous les diocèses, la Communauté anime beaucoup de groupes de prière et des apostolats très variés. Toujours à l’écoute elle essaye de répondre aux besoins de la population.

Cyprien peu avant qu’il ne se décide pour la communauté quand il hésitait encore, avait entendu par deux fois, une petite voix qui lui disait: « je ferai par toi une œuvre de rédemption ». Et c’est ce qui s’est passé car après toutes les souffrances endurées par ce pays où toute la population a été touchée par les massacres, les tueries dans les familles, dans les villages entre gens qui se connaissaient, qui vivaient ensemble et se sont entretués, il n’y avait plus d’espérance, on ne pouvait plus croire que la cohabitation était possible.

Or, dans la communauté cette vie fraternelle était encore là et a été un signe d’espérance très fort, très concret. Elle a agi et continue à le faire pour la guérison de ces blessures si profondes. Par le simple témoignage de vie mais aussi par des œuvres, des initiatives organisées. Elle est reconnue pour cela par l’Eglise et au-delà.

Nous voulions vous partager tout cela car c’est pour aujourd’hui, une autre forme, une autre histoire de la multiplication des pains.

Nous pouvons voir même toucher, le déploiement du « oui » de Cyprien et Daphrose, pas si facile au départ, mais un oui appuyé sur la confiance en Dieu qui agît, « qui est merveilleux » pour reprendre l’expression de Cyprien. Un oui, appuyé sur la confiance dans la parole de Dieu. Un « petit oui, si l’on peu dire, ils n’ont pas fait de grands projets, ils ont rassemblé un petit groupe de personnes pour démarrer humblement la communauté. Humblement mais radicalement, avec un grand désir de sainteté.

Il me semble que dans notre monde si compliqué et si troublé nous pouvons vraiment nous appuyer sur eux pour avancer et affermir notre propre désir et chercher ou le Seigneur nous attend chacun aujourd’hui.

Christine Graffin
Déléguée du modérateur pour l’Afrique avec son époux Pierre-François

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